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Critique de enjie77


« En la très chère souvenance de Halfrid et de sa mère Astrid »,
« En la très chère souvenance de Gunhild et de sa mère Astrid ».


Il était une fois en Norvège, dans la vallée du Gudbrandsdal, tapie dans le village de Butangen, une église en bois debout, véritable chef d'oeuvre édifié de la main de l'Homme, de celui que l'on appelait « oeuvrier » au temps du Moyen-Age. Au plus bas du clocher se trouvaient deux cloches jumelles, offertes par Eirik Hekne, de la ferme du même nom. Marié à Astrid, de cette union étaient nées deux soeurs siamoises par la hanche. L'accouchement, éminemment cauchemardesque, eu raison de la vie d'Astrid. La pauvre femme s'en allât rejoindre les étoiles laissant ainsi Eirick, tout seul, pour élever les jumelles, Halfrid et Gunhild.

Mais les deux jumelles, malgré leur difformité, grandissaient normalement, dans un environnement rempli d'amour. Dans l'incapacité de pratiquer les travaux des champs, leur père les avait installées devant un métier à tisser où leur renommée ne tarda pas à se répandre devant la beauté et le mystère des motifs inventés. A l'adolescence, la maladie les emporta toutes deux. Pour remercier Dieu de ne pas les avoir séparées jusque dans la mort, leur père fit fondre deux cloches qu'on appela les cloches jumelles et auxquelles on attribua le pouvoir d'avertir du danger. Halfrid et Gunhild furent enterrées sous le plancher de l'Eglise. Depuis le temps s'est écoulé, laissant ainsi le son mélancolique des cloches jumelles résonner dans la vallée pour annoncer la messe et rythmer le temps des villageois.

Jusqu'à ce jour de 1880, où un nouveau pasteur est nommé dans la paroisse et que la fidèle Klara meurt de froid au cours de l'office : on ne peut chauffer une église en bois. Il est temps de faire appel à la modernité. L'église et les deux cloches sont menacées et ce n'est pas impunément que l'on peut prétendre à disposer du sort de ce chef d'oeuvre venu de la nuit des temps.

Il vous faudra bien vous couvrir pour lire ce livre qui est dépaysant à souhait, où vous grelotterez sous la neige avec des températures de moins quarante, loin de toute rationalité. Un vrai bonheur de lecture qui vous entraîne en Norvège où l'auteur nous fait découvrir de splendides paysages norvégiens. Dans un style très délicat, il nous révèle, sur fond de légende nordique, son amour du travail du bois. Il y a des passages qui relèvent d'une vraie connaissance de cette technique. On connait l'habileté des norvégiens dans la construction navale mais allez regarder ces églises en bois debout, il n'en reste que vingt huit qui ont été sauvegardées, ce sont de véritables chefs d'oeuvre. Et pour celles et ceux qui sont sensibles au symbolisme, vous y trouverez de très beaux exemples.

Dans ce récit, l'auteur nous initie à la culture norvégienne, aux croyances issues du paganisme nordique, à l'origine des langues scandinaves. Nous remontons jusqu'à la christianisation de la Norvège. Nous touchons à la très grande misère de ces territoires du bout du monde, perdus sous la neige, où les croyances, les traditions peuvent mener à l'obscurantisme. Il faut un immense talent de conteur pour nous faire découvrir un pays en partant de simples légendes. Lars Mytting nous le prouve avec ces cloches jumelles qui nous emportent ailleurs, loin de notre quotidien tout en nous proposant de mieux connaître ce qui a structuré son pays, ce qui en fait sa richesse culturelle, son âme. Sa plume est magique, je n'ai pas cherché à résister à ce très beau voyage dans la vallée d'où est originaire l'auteur.

J'avais beaucoup aimé « Les seize arbres de la Somme », là, j'avoue avoir été envoûtée. Merci @Palamede.

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