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EAN : 9782330128135
480 pages
Actes Sud (02/10/2019)
4.08/5   169 notes
Résumé :
En 1971, un jeune couple franco-norvégien trouve la mort au fond d’un étang de la Somme dans d’étranges circonstances. Edvard, leur fils de trois ans, est porté disparu. Il n’est retrouvé que quatre jours plus tard, à une centaine de kilomètres du lieu du drame. Comment le petit garçon a-t-il échoué là ? Où était-il pendant tout ce temps ? Et pourquoi ses parents s’étaient-ils aventurés en pleine nuit dans cette forêt encore truf­fée d’obus et de grenades à gaz data... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (49) Voir plus Ajouter une critique
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Edvard Hirifjell, petit garçon orphelin vit avec son grand-père qui l'a adopté, dans un bled au fin fond de la Norvège. Ses parents, un couple franco-norvégien retrouvés morts dans une rivière, durant des vacances en France dans la Somme, le 23 septembre 1971, visitaient un champ de bataille fermé au public de la Première Guerre mondiale. L'autopsie révèle qu'ils ont inhalé le gaz d'une vieille grenade, sont tombés à l'eau et n'ont pas pu regagner le bord. Jusqu'ici l'histoire, Edvard le connaît plus ou moins des chiches explications du grand-père, mais c'est quand il découvre par hasard dans une ferme voisine la suite des choses dans des vieux journaux de l'époque, que tout se complique (« J'ai donc découvert la vérité trop tôt, et il était alors trop tard. »); Il avait trois ans et il était avec eux,mais....... il sera retrouvé sain et sauf, quatre jours plus tard, dans un cabinet médical à cent vingt kilomètres, dans la petite ville portuaire du Crotoy.....Difficile à comprendre et lui n'en garde aucun souvenir ,(« Pourquoi mes parents m'avaient-ils emmené dans un endroit plein de grenades ? Et qu'y faisaient-ils ? La réponse avait disparu, mon père et ma mère avaient disparu, disparu comme des cendres dispersées au vent, et je devins adulte à Hirifjell. »).

Voici un début palpitant qui va nous entraîner loin, en compagnie d'une prose sublime. L'histoire de la famille est liée à celle de la Norvège et de l'Europe. Une histoire opaque, lourde de secrets, peuplée de personnages absents et mystérieux, dont Edvard, le narrateur, vingt ans plus tard, va commencer à en rassembler les pièces. La beauté du texte vient surtout de la subtilité des détails, des sensations décrites avec finesse, et des faits évoqués par soupçons dont l'amour,(« elle apportait de l'air frais.......Mais quand elle fit coulisser les vantaux de la penderie, qui occupait toute la longueur de la chambre de grand-père, les nuages s'amoncelèrent de nouveau en moi. L'obscurité du placard généra un appel vers quelque chose de poussiéreux, sombre et vieux. Des vêtements auxquels il manquait désormais un corps. »). C'est aussi un voyage, en Norvège, dans les îles Shetland et dans la Somme, tombeau de milliers de personnes tombées pendant la Grande guerre, .....un voyage dans le temps.

J'ai aimé Edvard et sa solitude, le grand-père mélomane, l'oncle ébéniste de génie...,
J'ai aimé la mélancolie irrésistible des îles Shetland et la nostalgie de ces vies à jamais disparues,
J'ai aimé la pudeur, la sensibilité et la richesse de la narration,
Bref j'ai adoré ce livre palpitant et sa trame originale que je vous laisse découvrir, et qui me rappelle vaguement un autre auteur norvégien Per Petterson, un de mes écrivains de prédilection.

« Mon histoire débutait bien avant l'année de ma naissance. Elle avait déjà commencé quatre cents ans auparavant, avec la germination à Authuille de seize noyers. »

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« le mensonge, c'est peut-être comme l'alcool, me dis-je, il faut boire régulièrement pour se cacher à soi-même qu'on boit. Mais la vérité aussi a quelque chose de similaire : on est obligé de boire jusqu'à ce que la bouteille soit vide ».

Après avoir pris connaissance de la critique de @Palamède, c'est avec avidité que je me suis plongée dans les brumes de la mémoire d'Edvard Hirifjell ; Récit qui ne vous laisse pas une minute de répit tant on a du mal à lâcher ce livre.

Edvard a trois ans, en 1971, lorsqu'il devient orphelin de père et de mère. C'est au cours d'un séjour dans la Somme, plus précisément dans la forêt d'Authuille, que ces derniers vont être retrouvés noyés dans un étang. Qu'est donc devenu l'enfant qui les accompagnait ? Edvard sera retrouvé quelques jours plus tard dans un cabinet médical du Crotoy et confié à son grand-père.

Edvard est élevé par son grand-père Sverre, dans une ferme isolée où il élève des moutons et cultive des pommes de terre sur l'Ubac du lac Saksum en Norvège. Sverre est un taiseux. Devant le silence qui entoure la disparition de ses parents, Edvard grandit sans pouvoir poser de questions. Même mutisme quant à la brouille qui a séparé les deux frères, Sverre et Einar. C'est ainsi qu'Edvard, adulte, doit nettoyer la croix gammée qui a été dessinée sur la vieille Mercédès de Grand-père, moment particulièrement pénible dans un petit village norvégien où les ragots vont bon train. La seule chose que sait Edvard c'est que les deux frères ont combattu chacun dans un camp opposé pendant la seconde guerre mondiale.

Mais grand-père n'est pas éternel. Vient le jour où Edvard le découvre sur le canapé du salon, endormi ad vitam aeternam. le mystère s'épaissit dès l'instant où Edvard investit le bureau de grand-père et où il trouve cinq enveloppes cachetées, chacune portant le nom de Walter et de Nicole, ses parents, d'Edvard, d'Einar et d'Alma, la grand-mère. Et puis une clef. Sans compter le pasteur Thallaug qui vit à Saksum depuis 1927 et qui est, à ce titre, une mémoire vivante. C'est ce vieux pasteur qui lui révèle qu'aux Pompes Funèbres, un magnifique cercueil attend Sverre.

C'est devant toutes ces énigmes qu'Edvard va prendre sa décision de quitter sa ferme, ses moutons et ses pommes de terre au volant de la vieille Mercédès noire de Grand-père. La quête initiatique peut commencer.

Lars Mytting nous emmène de la Norvège aux îles Shetland, des îles Shetland en Ecosse pour parvenir en France, sur les champs de bataille de la Somme. Une énigme est résolue, qu'un mystère surgit, la tension est palpable tout au long du récit. Dans le silence de ma lecture, totalement immergée dans l'histoire, je me suis entendue formuler des sons devant le secret qui rebondissait.

Ce qui a le plus retenu mon attention, ce sont les scènes de tempête et de navigation, c'est intense, et les passages qui font honneur au travail sur bois, ce matériau vivant et noble qui sous la main de l'artiste devient oeuvre d'art. Lars Mytting aime la nature, il observe tout ce qui l'entoure et nous donne à lire de très beaux passages. Son héros n'ayant jamais quitté sa ferme, ses voyages successifs nous permettent d'apprécier la plume de son auteur tant Lars Mytting sait nous téléporter, nous secouer, nous captiver. On y ressent la solitude, la rudesse du climat, une certaine habitude de vivre au contact des éléments, on y admire la force qu'il faut pour s'adapter à certains environnements. On touche du coeur à la beauté sauvage !

Et puis, si vous êtes amateur d'Histoire, vous découvrirez comme moi, les Black Watch, le Shetland Bus et vous aurez envie de vous rendre derechef sur le Thiepval Memorial.

C'est une intrigue passionnante mais assez complexe comme ses personnages. Il y a quelques erreurs de traduction qui ne gêne pas la lecture. C'est un excellent livre d'un auteur qui vous mènera de somptueux paysages en somptueux paysages et tout cela, par le bout du nez!


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Parce ce qu'il avait combattu sur le front de l'Est aux côtés des Allemands, Sverre Hihrifjell était mal vu par la population de son village, jusqu'à ce qu'il récupère Edvard son petit-fils de trois ans après la mort mystérieuse de ses parents. Walter Hirifjell et Nicole Daireaux. Père né en 1944, mère née en 1945. Décédés le 23 septembre 1971. Retrouvé dans un étang de la Somme, un couple franco-norvégien dont le fils Edvard, à la mort de son grand-père, va chercher pourquoi Einar, son grand oncle, a fabriqué longtemps avant sa mort un cercueil pour son frère avec qui il était brouillé — Einar, un ébéniste d'exception qui avait appris son art chez Ruhlmann — et surtout chercher la vérité sur ses parents.

Une amie lui avait dit au moment où il commençait à remuer le passé « Tu ne trouveras rien d'autre que de vieilles scories qui te tourmenteront. » Et de fait Edvard, qui n'a jamais été un garçon serein, est ébranlé par ce qu'il apprend de ses parents... et se demande quand il va découvrir qui il est. Une quête de soi et d'une vérité complexe aux multiples ramifications qui nous intrigue et nous fascine. L'époque des deux conflits mondiaux y contribuant beaucoup, entre la Norvège, les îles Shetland et les champs de bataille de la Somme où tant perdirent la vie. le talent de conteur et la poésie, mais aussi la passion du bois de Lars Mytting achevant de nous immerger dans les profondeurs d'un pays âpre, sauvage et secret, à l'image de l'âme des hommes qui l'habitent.

Challenge MULTI-DÉFIS 2021
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Passionnante et complexe saga norvégienne ! Coup de foudre pour l'histoire, les personnages, l'écriture! Merci, Idil, de m'avoir dit de ne pas passer à côté de ce livre, tu avais raison... J'ai parcouru avidement les 556 pages, sans aucun essoufflement. C'est plutôt un grand souffle d'aventure et de frissons, d'émotions qui m'a enveloppée durant toute ma lecture...

Je me permets un jeu de mots , très approprié ici. Le fil conducteur, c'est le fils. Qui est aussi le narrateur : Edvard. Un drame a ravagé sa petite enfance. Lors d'un voyage en France avec lui, ses parents sont morts à cause de grenades qui ont explosé sous leurs pieds, vestiges des batailles de la Somme, durant la première guerre mondiale. Le petit Edvard, a, lui, disparu pendant quatre jours , pour réapparaître dans un cabinet médical au Crotoy. Son grand-père paternel est venu le chercher et l'a élevé dans sa ferme isolée, en Norvège.

Lorsque le récit commence, Edvard a vingt-cinq ans. Sensible et tourmenté, solitaire, il évolue dans un univers taiseux, où on n'évoque pas le passé. Mais le quotidien rude et calme de la ferme productrice de pommes de terre va exploser , à la mort de son grand-père. De nombreuses questions vont se poser à lui : pourquoi un cercueil d'une beauté inouïe a-t-il été commandé pour l'enterrement ? Pourquoi ses parents avaient-ils entrepris ce voyage dans la Somme? Certes, sa mère était d'origine française mais elle est née dans un camp de concentration, à Ravensbrück.

Laissant Hanne, son amour d'adolescence revenue vers lui, Edvard se rend d'abord sur les îles Shetland, où son grand-oncle mystérieux, Einar, ébéniste de talent, a vécu ses dernières années... Il y rencontrera une certaine Gwen.

Je n'ai pas envie d'en dire plus, j'aimerais juste vous inciter à découvrir ce magnifique roman, quête intime poignante, récit d'aventure qui vous entrainera dans différents pays, aux allures aussi policières, en raison des recherches effectuées et des secrets à dévoiler. Vous découvrirez également des choses intéressantes, comme l'influence norvégienne aux Shetland, et les bouleaux flammés, perle rare en ébénisterie. Et bien sûr, vous saurez tout sur les seize arbres de la Somme, témoins historiques des plaies de la guerre.... Finalement, je ne peux pas m'empêcher de l'évoquer, cette belle oeuvre !

Le style est superbe, enlevé, délicat, tout à fait en accord avec les douleurs de l'âme, les espoirs des personnages. Ils sont tous attachants, même dans leurs mauvais choix. J'ai aimé surtout le sauvage et émouvant Edvard, en manque maternel, portant , sans le vouloir, le poids des morts.

Pourquoi aussi peu de critiques et de lecteurs pour ce livre? C'est injuste, il mérite d'être connu! Allez, laissez-vous prendre dans ce tourbillon norvégien, intense et bouleversant!
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Merci à l'amie palamede… qui , par sa critique très enthousiaste des « Cloches jumelles »…. dernier ouvrage traduit de Lars Mytting, a attiré, par ricochet mon attention sur cet écrivain norvégien; toutefois, j'ai préféré commander le roman précédent « Les onze arbres de la Somme »…dans lequel je me suis « immergée » aussitôt avec fébrilité !

Je ne m'aventurerai pas à détailler l'histoire de ce roman… Car cette histoire est un très incroyable puzzle, prodigue en suspens ,en rebondissements et en thématiques diverses:
L'amour des arbres, la passion du travail du bois, Les blessures de la Guerre laissées dans les coeur et le corps des hommes, blessures aussi laissées dans la nature (forêts , arbres détruits), des secrets de famille lors de ces période de conflit…se propageant sur les générations suivantes…

Là, il s'agit d'un petit garçon, dont la très jeune vie a été impactée par l'histoire très obscure, complexe de ses parents, une mère française et un père norvégien…dont les parents eux-mêmes ont été abîmés dans leur existence, par la seconde guerre mondiale …

On s'attache d'emblée à ce petit garçon,Edvard, orphelin élevé par le grand-père paternel, agriculteur… Homme aimant et bienveillant mais sur lequel pèse la mystérieuse hostilité des villageois. Ce petit garçon adore son grand-père , le défend envers et contre tout, bien qu'il ne comprenne pas les histoires anciennes des adultes…

Ses parents, morts accidentellement, en 1971, lors d'un voyage en France, en visitant un champ de bataille, ont marché sur une vieille goupille , respirant un gaz toxique, et se noyant asphyxiés …
Pourquoi se trouvaient-ils là ? Pourquoi juste après l'accident, leur petit garçon de 3 ans a –t-il disparu quelques jours, retrouvé loin de l'accident, au Crotoy ? A-t-il été enlevé ? Par qui ? Que s'est-il passé ? Nous allons devoir ronger notre frein, car le suspens est savamment entretenu par l'auteur jusqu'à l'ultime moment…

Ce petit garçon, Edvard, grandit en compagnie de ce grand-père , Sverre, bien singulier à qui il voue une véritable adoration ; Ce dernier, toutefois ne répond guère ou pas du tout à ses questions. Un deuxième personnage, absent lui, aussi singulier, règne en permanence comme un mystère merveilleux : son grand-oncle, Einar, le frère détesté de son grand-père,.Ce frangin, très différent de Sverre, parti de la ferme, des décennies auparavant, doit avoir un sacré contentieux avec lui, mais lequel ? . Il ne reste d'Einar que son atelier de menuiserie, car c'était un extraordinaire ébéniste, étant même parti pour Paris, connaissant le succès en travaillant , entre autres , pour Ruhlmann, le célèbre créateur de mobilier…et le refus catégorique de l'aïeul de prononcer le prénom de son frère.

A la mort du grand-père, Edvard se donne le droit enfin, de commencer à chercher, à enquêter sur son histoire familiale, sur ce grand-oncle, entres autres recherches, Cet Einar l'attirant irrésistiblement, le fascinant ,même !

-« Il y a quelque chose d'Einar en toi. Il était capable de tirer une forme de ce qu'il voyait et de l'utiliser dans un autre contexte. En cela, Einar était complètement différent de Sverre, il interprétait ce qu'il vivait, c'était un méditatif, un rêveur.
(...)Il entama son récit du fils perdu de la ferme, et en parlant d'Einar, j'avais le sentiment qu'il me racontait aussi quelque chose sur moi. Enfin , pas sur moi exactement, mais sur un gars que j'avais souvent rêvé d'être. Si ce n'est que le crayon était remplacé par un appareil photo, l'atelier de menuiserie par une chambre noire. » [p. 63-64 ]

Commenceront des voyages et des déplacements entre la Norvège et la France...pour qu'Edvard puisse enquêter, défricher ce passé tellement opaque ,depuis au moins un demi-siècle... éclaircir tous ces non-dits, ces lourds secrets familiaux. Une histoire d'amour, elle aussi singulière, se construira ...

Un style très poétique dans les descriptions de la nature, des paysages norvégiens, du travail du bois, du plaisir et art de la photographie.[passion du petit-fils, Edvard ]

« de nouveau, je ressentis la magie d'ouvrir un rouleau de film. Savoir qu'il y avait quelque chose de fragile et de vivant sur l'argent photosensible. Invisible pour l'heure, une autre époque s'y était fixée. Je songeai que c'était peut-être pourquoi je tombais toujours dans un certain état de stupeur dès l'instant où je me retrouvais avec une pellicule dans l'obscurité : la pellicule était capable de capturer le temps alors que j'étais moi-même quelqu'un qui avait un jour perdu le temps qui m'appartenait. »

Je laisserai volontairement ma chronique dans le flou pour laisser le plaisir de la découverte des surprises fort nombreuses aux futurs lecteurs…Une histoire complexe, écrite avec talent et poésie, mêlant la grande Histoire et la petite, celle des individus, entre la Norvège et la France… et le drôle de sort réservé à 16 noyers bien précieux, à plus d'un titre…nous accompagnant au fil de cette narration . Celle-ci est colorée, autant empreinte des embruns des forêts que des paysages marins, de Norvège...On s'y croirait !...

BRAVO à notre écrivain-bûcheron , pour ce bonheur de lecture…!....

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critiques presse (1)
Actualitte
31 octobre 2018
Exhumer le passé familial, remonter les cercles du temps comme l'on compte les cernes d'un arbre, tel est le voyage auquel nous convie Lars Mytting : Les seize arbres de la Somme est une intense quête d'identité, foisonnante et profonde, à la recherche de la vérité.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (62) Voir plus Ajouter une citation
Je ne voulais pas me faire remplir de savoir comme on remplit un thermos de café.
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Le centre était désert. Ce n’était pas une nouveauté : aux heures apathiques entre la fermeture de l’épicerie et le dîner, personne ne sortait. Rien d’autre que les voitures en transit qui se traînaient à cinquante à l’heure. Les gens regardaient par la vitre en se félicitant de ne pas avoir à vivre à Saksum.
Mais ils ne savaient pas ce que nous possédions.
Car ici, il y avait de la place pour nous. De la place pour moi,pour Carl Brænd, le freak de l’électronique qui, à l’âge de cinquante-cinq ans, habitait toujours chez sa mère, construisait des amplis de génie et roulait jusqu’au kiosque à hot-dogs à dix heures moins cinq pour avoir les saucisses livides à moitié prix de l’heure de la fermeture.
Ici, nos tares étaient visibles. Nous en avions connaissance, nous nous en servions pour nous maltraiter les uns les autres, mais les ragots nous soudaient. En chacun de nous il y avait un trou et nous le recherchions chez les impeccables, parce que c’était par là que le village passait son fil.
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Dans le vestibule, je dus mettre tout mon poids sur la porte pour parvenir à l'ouvrir. Lorsqu'elle le fut à moitié, la tempête trouva prise et l'arracha presque de ses fonds, s'engouffra dans la maison et repoussa les vestes de pluie sur la tringle. Le vent hurlait dans mes oreilles et j'avais à peine passé le coin de la maison que j'étais trempé jusqu'aux os. Autour, la mer semblait avoir monté de plusieurs mètres, verdâtre, pleine d'écume, elle était prête à engloutir l'île entière. J'avançais encore, courbé en avant, comme si je grimpais sur terrain plat, me retournant parfois pour reprendre mon souffle. Sur la grève résonnaient des claquements secs, comme les contrecoups du déchargement d'un camion de pierres quand chacune d'entre elles cherchait un endroit où se poser.
Je libérais les volets sous les jets de pierre, son bras sortie par la vitre brisée et elle les tira vers elle. Nous poursuivîmes jusqu'à ce que la maison soit fortifiée de l'extérieur et obscure à l'intérieur.

page 274
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Let us die Young or let us live forever.
Et ce n'était peut-être qu'une illusion, ou séduction, car il s'agissait d'une simple chanson pop, du plastique là où la vraie musique était d'acier, du carton-pâte là où il aurait dû y avoir de la maçonnerie, mais encore une fois je l'entendis.
Cette chanson était sincère. Et soudain, je sus que je vivais là l'un de ces épisodes très rares dans une vie où la musique s'attache à un instant. Instant dont je me souviendrais encore dans cinq, dans dix ans. Je vis que Gwen le comprenait aussi et que nous avions la chance de le comprendre en temps réel et pas seulement à posteriori.
C'était un instant décisif dans sa vie aussi, le seul instant, le seul endroit avec mes yeux bruns et ses yeux bruns, cet instant qui apparaîtrait chaque fois que nous entendrions Forever Young.
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Les visages de mes parents, eux, ne vieillirent jamais. Ils existaient sur une photo de la commode, juste à côté du téléphone. En pantalon pattes d'éléphant et gilet rayé, papa est appuyé contre la Mercedes. Maman est accroupie, elle caresse Pelle, notre buhund norvégien. Il semble lui barrer la route, comme s'il refusait de nous laisser partir.
Les bêtes comprennent peut-être ces choses-là.
Quant à moi, j'agite la main sur la banquette arrière, la photo a donc dû être prise le jour de notre départ.
Je continue de me figurer que je me souviens du trajet vers la France, comme d'une odeur de skaï émanant des sièges chauds, comme d'un défilé d'arbres par la vitre latérale. Longtemps, j'ai cru me souvenir aussi de l'odeur particulière de maman ce jour-là, et de leurs voix par-dessus le vent de vitesse.
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