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Critique de berni_29


Chers lecteurs, avez-vous eu déjà l'occasion de voyager en train et de vous retrouver enfermé dans un compartiment pour dames ? Bon, le mot « enfermé » n'est pas à prendre au pied de la lettre, dans son sens premier bien sûr. Disons plutôt que ce lieu confiné comme un huis-clos se prêtait, le temps d'un long voyage dans un train de nuit indien, à recueillir les confidences de quelques dames… Cette aventure m'est arrivée naguère en lisant le très beau récit d'Anita Nair, autrice indienne, récit au titre si bien nommé : Compartiment pour dames.
Akhila est employée aux impôts, quadragénaire, elle est la fille aînée d'une famille dont elle a la charge depuis le décès de son père. Prisonnière d'un carcan familial dont elle n'a jamais pu encore s'évader, elle se retrouve encore célibataire, vieille fille comme on dit là-bas, comme on le disait ici il n'y a pas encore si longtemps.
Elle a toujours été la fille, la soeur, la tante de quelqu'un, celle qui fait vivre la famille. Cette charge familiale ne lui a jamais laissé du temps pour elle. Mais aujourd'hui tout va changer…
Un jour elle décide presque sur un coup de tête de partir seule en voyage. Elle prend le train, achète un aller simple pour Kanyakumari, vous savez cette petite ville balnéaire du sud de l'Inde, et se trouve dans un compartiment avec cinq autres femmes.
Ke bonheur !
Dans l'intimité du sleeping – le fameux compartiment pour dames – qu'elle partage avec cinq autres compagnes, Akhila va oser poser la question qui la hante depuis longtemps : une femme a-t-elle vraiment besoin d'un homme pour être heureuse et épanouie ?
Poser cette question pourrait paraître saugrenu, d'autant plus que le récit se passe de nos jours. Mais voilà, nous sommes en Inde, une Inde demeurée archaïque par bien des aspects, à commencer par la condition des femmes, le poids des traditions, les carcans imposés par la religion mais aussi, il faut bien l'avouer, par une société faite encore par la loi des hommes, pour des hommes.
Entendre ces voix de femmes, c'est entendre aussi des récits de servitude, la parole muselée qui se libère dans la confidence étroite d'un sleeping.
Le temps d'un voyage de nuit, chaque femme va raconter son histoire comme un témoignage âpre et parfois douloureux. Et devant toutes ces vies exposées qui disent le renoncement, la frustration, parfois la révolte, Akhila va les entendre, les recueillir, en faire à son tour des modèles de réflexion.
Dans ce voyage en train de nuit, chers amis lecteurs, vous l'aurez compris, Anita Nair prend prétexte de ces récits pour nous parler de la condition féminine dans son pays et de thèmes qui lui sont chers : l'avortement, l'homosexualité, la pédophilie, la contraception… Ce sont autant de thèmes abordés par l'autrice ici, comme s'il s'agissait pour elle de sortir de la boîte de Pandore tous les tabous de son pays et de régler des comptes…
Compartiment pour dames est un livre délicieux, chaleureux, révoltant aussi, jamais lourd ni ostentatoire, qui nous ouvre le coeur de ces femmes indiennes dont je me suis senti très proche. J'ai aimé la bienveillance, la compassion qui s'en dégagent, j'ai aimé découvrir ici un texte fortement engagé sur le sort qui est réservé aujourd'hui encore aux femmes dans de nombreux pays du monde. Il faut bien reconnaître, qu'à ce titre, l'Inde ne détient pas à elle seule le monopole de l'innommable.
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