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Critique de Alwenn


Alwenn
18 décembre 2008
Je suis encore sous le choc et le charme de cette lecture. Enivrée. Séduite. Conquise. Renversée.

Il y a des livres comme ça, qu'on lit au moment opportun. Dès les premiers mots, j'ai su que ce roman touchait en mon coeur des cordes qui ne vibrent pas à tous les livres, loin s'en faut…

« Nous buvions du punch léger, à la mode de ma jeunesse. Nous étions assis devant le feu, mes cousins Erard, les enfants et moi. C'était un soir d'automne, tout rouge au-dessus des champs labourés trempés de pluie ; le couchant des flammes promettaient un grand vent pour le lendemain ; les corbeaux criaient. Dans cette grande maison glacée, l'air souffle de partout avec le goût âpre et fruité qu'il a en cette saison ».

D'Irène Némirovsky, je n'vais lu que le bal, petit conte cruel qui m'avait amusée en son temps. Mais cette Chaleur du sang, profonde et insidieuse, m'a complètement bouleversée.

Dès ces premières lignes, l'écriture d'Irène Némirovsky vous enveloppe, caresse onctueuse et fluide. Les phrases s'enchaînent, dans un beau ballet de style et de vérités simples, toujours exprimées par des comparaisons fortes et imagées.

Je me suis laissée complètement envoûtée par ce livre, et je n'ai eu de cesse de poursuivre ma lecture jusqu'à la fin.

L'histoire n'est pourtant pas d'une folle originalité, mais la justesse et la précision psychologique avec lesquelles Irène Nemirosky la traite la rend au contraire pleine de vigueur et d'ardeur. A l'image du titre. Cette chaleur du sang qui irradie tout le roman.

Irène Némirovsky a su parfaitement rendre la vie provinciale et empesée de ce village du Morvan des années 30. Aux côtés du solitaire et mystérieux Sylvio, on chemine de saisons en saisons entre fêtes de village pour un mariage, en veillées au coin du feu, en promenades automnales dans les bois, en soirées à l'hôtel des voyageurs où les secrets s'ébruitent sans oser se déclarer trop ouvertement. Mensonges, faux-semblants, illusions, passion, secrets et crimes hantent chaque personnage de cette vie rurale, renfermée et étriquée.

Irène Némirovsky a un vrai don pour coucher sur le papier, mélange détonnant entre une eau-forte et une aquarelle, les traits de la nature humaine. C'est tout à la fois acide et subtil :

« Je ne sais si l'être humain fait sa vie, mais ce qui est certain, c'est que la vie qu'il a vécue finit par transformer l'homme ; une existence calme et belle donne à un visage une sorte de moelleux, de gravité, un ton chaud et doux, qui est presque une patine, comme celle d'un portrait. (…) Il y a un moment de perfection quand mûrissent toutes les promesses, que tombent enfin les beaux fruits, un moment que la nature atteint vers la fin de l'été, qu'elle dépasse bientôt, et alors commencent les pluies de l'automne. Il en est de même pour les gens. »

Chaleur du sang est beau comme un amour de jeunesse, puissant comme la jalousie qui étreint les coeurs, flamboyant comme le désir qui s'empare de la chair, simple comme les envies qu'on ne peut réfréner et qui nous perdent.

Le dénouement rattrape le lecteur par son amertume. Comme la lie d'un vin capiteux. Tout à l'image des errances humaines dans une vie. C'est finalement tellement réaliste.

Ce roman est un véritable coup de coeur pour moi. Je l'ai trouvé tout à la fois magnifique, parlant et tellement vrai. Et curieusement, tellement toujours d'actualité. La vie des villages français n'est finalement pas plus différente dans la France de l'avant-guerre que dans celle du début du XXIème siècle. Sans doute parce que la nature humaine reste immuable dans ses désirs, ses doutes, ses carcans et ses chimères…

Terminé le 22 novembre 2008

Lien : http://fabulabovarya.canalbl..
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