Avec le poème « El Desdichado »,
Sylvie est sans doute le texte le plus délicat du tourmenté
Gérard de Nerval. C'est une rêverie poétique en prose, un voyage entre le présent de Paris et la province idéalisée par les souvenirs. C'est aussi et surtout, avant Zweig, la confusion des sentiments d'un narrateur fragile, écho d'un auteur en proie à la folie, achevant sa vie par le suicide.
« En me retraçant ces détails, j'en suis à me demander s'ils sont réels, ou bien si je les ai rêvés », songe le narrateur, phrase reprise longtemps après par
Umberto Eco en introduction du Nom de la Rose. Car
Sylvie est un récit toujours sur la brèche : réalité ou rêve ?
« Telles sont
les chimères qui charment et égarent au matin de la vie. »
Mais le temps, lui, ne fige rien ; il accomplit ses transformations sans souci de la mélancolie humaine qu'il provoque par sa course. le passé est spectacle que l'on peut se rejouer tant que l'on voudra, lorsque l'on quitte la scène il faut se rendre à l'évidence : « Que tout cela est solitaire et triste ! » le regard enchanté de
Sylvie, ses courses folles, ses cris joyeux, donnaient autrefois tant de charme aux lieux que je viens de parcourir ! »
Il me faut donc remercier le professeur de Lettres modernes
Jean-Nicolas Illouz pour m'avoir fait rencontrer cette « fée des légendes éternellement jeune » que
Sylvie demeure à jamais.