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Critique de mfrance


Lydia est morte. La première ligne du roman nous l'annonce.
Et si le lecteur n'attend que de savoir comment la chose s'est produite, eh bien qu'il referme ce livre et passe à autre chose. Car le propos de Celeste Ng est d'une toute autre ambition qui n'est rien de moins que l'exploration scrupuleuse de la cellule familiale. Ce qu'elle fait avec un brio époustouflant !
Celeste Ng agit en anthropologue maniaque en scrutant avec obstination les rouages complexes de la mécanique d'une famille "normale" et apparemment unie.
La famille Lee ? un bloc, une entité, d'abord analysée en tant que telle, puis dissociée en chacune des cinq individualités qui la composent .... et là, on découvre cinq personnes étrangères l'une à l'autre, isolées, sans amis, vivant chacune leur souffrance en silence, et qui vont, peu à peu, apprendre au lecteur tout ce qu'elles ne se sont jamais dits !

Et là, le cocon familial vole en éclats !
De James Lee, fils d'émigrés chinois, vivant douloureusement sa différence et profondément désireux de se fondre dans la société américaine, blanche et traditionnelle, à Marilyn, passionnée de science et totalement frustrée dans ses aspirations intellectuelles... un couple d'amoureux des années cinquante, victime d'une époque où le mariage interracial était à peine toléré, voire interdit.
Tous deux vont reporter leurs espoirs déçus sur leur second enfant, leur fille chérie Lydia, la jolie et brillante Lydia, et chacun pour des raisons très différentes mais qui correspondent à leurs aspirations profondes. Lydia devient "le centre malgré elle de leur univers, elle cimentait leur monde. Elle absorbait les rêves de ses parents".
Ils vont l'étouffer sous leur amour dévorateur et Lydia de se consumer sous une telle charge de tendresse exigeante, qui ne lui laisse aucun répit et l'empêche d'exprimer ses propres désirs, d'autant plus que sa condition de jeune métis constitue un frein à son intégration dans la société étudiante.
Et cela sous le regard de témoins impuissants, son frère et sa soeur.
Celeste Ng, avec un talent inouï, se lance, par petites touches, dans un décryptage d'une précision chirurgicale de la vie des Lee et analyse en scènes précises avec un luxe de détails saisissants de réalisme et de finesse psychologique le quotidien de tous les membres de la famille.
Elle décortique, ausculte et pratique avec brio d'incessants allers-retours entre les années cinquante et le présent de la fin des années soixante dix, dénonçant avec talent les outrances de la société américaine et ses effets nocifs sur le vécu des individus.
Bref, une étude remarquablement intelligente et bien menée de la cellule familiale, dans laquelle le talent de la narratrice explose de bout en bout !
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