http://www.franceinfo.fr/economie/le-livre-du-jour/serenitas-de-philippe-nicholson-638155-2012-06-06
Dans moins de dix ans, la Ijing sera en mesure de proposer pas moins de dix nationalités différentes à ses clients, chacune pourvue de ses propres caractéristiques, sociales, fiscales, économiques, politiques et éducatives
Dalbert sourit.
– Je sais. Mais, c’était plus fort que moi. Je lui en piquais autant que je pouvais. Ça me tuait de voir tous ces livres étalés partou dans votre baraque. Ta mère aussi, d’ailleurs !
Fjord se souvient des engueulades quotidiennes à ce sujet quand il était enfant. Sa mère sortant son père de son bureau et lui montrant les nouveaux tas qui s’amoncelaient un peu partout.
– C’est quoi ça ? lui demandait-elle.
Voulant faire bonne figure, il en prenait un ou deux sous le bras pour les rapporter dans sa pièce. Le reste, il le laissait. Et sa mère oubliait.
Il feuillette quelques pages.
– C’est bien ?
– C’était très bien, oui. Maintenant, ça date un peu. Tu peux le garder.
De la main il montre les autres livres empilés.
– La plupart appartenaient à ton père. Je ne lui ai jamais rendus…
– C’est pour ça qu’il détestait te prêter ses bouquins.
Sur les étagères s’entassent pêle-mêle des livres rongés par l’humidité. Fjord en prend un au hasard. C’est un texte assez court d’un auteur américain du siècle précédent, Richard Brautigan. Le nom lui est familier ; son père avait dû lui en parler.
Les systèmes politiques actuels ont montré leurs limites. C’est au tour des pays administrés par des clients-actionnaires de voir le jour. La nationalité va devenir un produit comme un autre. On peut choisir l’entreprise dans laquelle on travaille. On peut la choisir en fonction de ses valeurs, des avantages qu’elle propose à ses salariés, de sa stratégie de développement, de son risque de faillite, de la personnalité de son patron. De la même manière, on pourra bientôt choisir le pays dans lequel on veut vivre et la nationalité qui va avec.