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Critique de AMR_La_Pirate


On parle peu du format des livres quand on les chronique…
Je viens de terminer un gros pavé de 1 160 pages qui regroupe les trois premiers romans de la Trilogie guyanaise de Colin Niel, une lecture qui m'a enthousiasmée mais que j'ai échelonnée de mars 2020 à juin 2021.
En effet, même si les Éditions du Rouergue les ont réunis en un seul volume, cela ne m'a pas particulièrement incitée à dévorer les trois volets d'une seule traite.
De plus, ce gros format, difficilement transportable, même dans mes immenses sacs à mains, se révèle très peu commode pour l'emporter partout avec soi.
Son seul côté pratique réside dans les grands rabats de la couverture qui m'ont permis de séparer les trois histoires…

Les Hamacs de carton,
lu en mars 2020
Avec Les Hamacs de carton, Colin Niel inaugure sa Série guyanaise qui met en avant le personnage d'André Anato, un capitaine de gendarmerie en poste à la section de recherches de Guyane Française.

Dans ce roman, le capitaine Anato a pris ses fonctions depuis peu et n'a pas encore trouvé ses marques, à la fois mal à l'aise dans ses rapports avec sa hiérarchie et ses subordonnées et aux prises avec sa propre quête identitaire en tant que « noir-marron », issu de la descendance des anciens esclaves noirs révoltés ou fuyant les plantations avant l'abolition de l'esclavage.
Il est Ndjuka par la naissance, mais essentiellement métropolitain puisque ses parents avaient rejoint la France quand il était encore enfant. Son retour au pays natal est source de malaise, de méprises, d'émotion refoulée.
Colin Niel a créé un personnage complexe, difficile à cerner, donc intéressant à suivre et à voir évoluer, toujours sur le fil, entre deux cultures. André Anato devient figure métaphorique de la Guyane, prise en étau par les lois françaises et pourtant régie localement par les chefs coutumiers, terre de contraste où cohabitent des métropolitains aisés, des ouvriers rêvant d'un avenir meilleur, des autochtones oubliés, des laissés pour compte, des repris de justice en quête d'un nouveau départ… C'est un peu comme si André Anato portait tout cela sur ses épaules, pris entre marteau et enclume.

Des meurtres, des enquêtes différentes en parallèle, puis enchevêtrées…
Une équipe de gendarmes, avec un « colibri » qui s'éparpille et un « tatou » qui creuse avec persévérance, un colonel qui veut des résultats et qui n'a pas les mêmes priorités que son capitaine… Des gendarmes, mais aussi des hommes avec leurs soucis, des familles, etc.
Un dépaysement total au bord du fleuve-frontière Maroni, des us et coutumes particuliers, une langue aux intonations exotiques, des traditions venues du fond des âges… Colin Niel nous plonge dans une réalité tribale, avec ses rites et ses croyances, dans un profond respect des sociétés décrites. J'ai apprécié notamment le déroulement des funérailles et les notions de bonne ou de mauvaise mort.
Une carte et un glossaire nous aident à nous repérer dans l'espace et à nous approprier un peu de la culture des autochtones.

Un titre qui m'a intriguée jusque très avant dans ma lecture.
Certes, les premiers morts sont découverts, comme endormis, dans leurs hamacs ; dans les petites cases peu meublées des tribus qui vivent le long du fleuve, les rectangles de toile sont accrochés pour la nuit et rangés pour la journée…
Je ne pensais pas à une autre assertion pour ce mot, plus « administrative » : je n'en dirai pas plus pour ne pas divulgacher.

Une intrigue complexe, des personnages aux parcours compliqués, des êtres cabossés auxquels on s'attache… Colin Niel fouille les psychologies, multiplie les détails, décrit en profondeur mais laisse toujours cependant des zones d'ombre ; ici, rien n'est vraiment bien ou mal, les bons font ce qu'ils peuvent, les méchants ont des faiblesses…
Les Hamacs de carton… Une Guyane bien éloignée de sa métropole et pas seulement par la distance, une histoire captivante et triste, dont on sort un peu grandi, un peu plus érudit aussi, comme le lieutenant obligé de rester quelques jours sur place qui reconnaît avoir « appris des choses »…

Une réussite !


Ce qui reste en forêt,
Lu en mai 2020

Ce qui reste en forêt est le deuxième volet de la Série guyanaise que Colin Niel a consacré au personnage d'André Anato, un capitaine de gendarmerie en poste à la Section de recherche de Guyane Française…

J'avoue qu'il me tardait de retrouver l'ambiance particulière de cette région prise en étau entre les lois françaises et l'autorité des chefs coutumiers, terre de contraste où cohabitent des métropolitains aisés, des ouvriers rêvant d'un avenir meilleur, des autochtones oubliés, des scientifiques et des orpailleurs… et, surtout, j'avais hâte de savoir comment André Anato allait trouver ses marques entre ses origines Ndjuka, ses nouvelles responsabilités, son refus de s'engager dans une relation amoureuse…
Un an a passé depuis Les Hamacs de carton, Anato s'est imposé, a creusé son trou, a apprivoisé les membres de sa section, entre respect mutuel, efforts et concessions de part et d'autre. Et, surtout, il a prouvé que sa légitimité repose sur ses qualités personnelles et professionnelles et non pas sur la couleur de sa peau, ni sur le fait qu'il soit le premier « originaire » à occuper un tel poste ; il est enfin reconnu tant par sa hiérarchie que par les partenaires et les politiques locaux.

Un ornithologue retrouvé mort en pleine forêt amazonienne, aux abords de la station scientifique qu'il avait contribué à créer et dont la gestion est épinglée par la Cour des Comptes.
Des témoins et un gendarme trop zélé retenus sur place par une météo difficile…
Des conflits avec des orpailleurs clandestins sans scrupules…
Un albatros des iles Kerguelen échoué sur une plage guyanaise…
L'enquête s'annonce ardue pour le capitaine Anato, d'autant qu'une nouvelle tragédie ne va pas tarder à compliquer les investigations… de plus, il est préoccupé par des histoires personnelles car il croise de plus en plus souvent un clochard qui pourrait lui ressembler tandis que le passé de ses parents revient le hanter ; côté amour, il n'a pas oublié Sophie, rencontrée dans le tome précédent, mais ils ne sont plus ensemble et tout cela est compliqué… Il souffre d'insomnie et de solitude et le courant passe avec la veuve de la victime…
Il n'est pas le seul à avoir des soucis : son adjoint vit à l'hôtel car il a des problèmes avec sa femme et son fils…
Et puis, une autre affaire entre en résonnance, un délit de fuite sur un accident de la circulation…

Au fur et à mesure de mes lectures des livres de Colin Niel, je suis de plus en plus fascinée par sa maîtrise, son art de tricoter les intrigues, de donner à lire des imbrications et des bifurcations. Les protagonistes ont toujours des personnalités complexes, des psychologies très travaillées.
Même quand tout est résolu, les personnages gardent un part de mystère : « ce qui se passe en forêt reste en forêt… » et « le tout est plus que la somme de ses parties »…

Ce deuxième opus s'achève sur des enquêtes résolues, des mystères élucidés. André Anato a même avancé sur la connaissance de ses origines, sur des vérités et des impostures avec lesquelles il lui faudra vivre désormais. La rationalité du gendarme va devoir composer avec les traditions noires-marrons, les accepter dans leur puissante opacité.
Encore une réussite ! J'ai hâte de connaître la suite.


Obia,
Lu en mai-juin 2021

Je poursuis ma découverte de la Série guyanaise de Colin Niel avec Obia et retrouve avec un immense plaisir le Capitaine André Anato dans une nouvelle enquête.

Un titre mystérieux qui fait référence à un rite ancestral d'immunité très ancien, dont les origines remontent à l'Afrique des anciens esclaves… L'Obia est un bain de protection, à base de décoctions de plantes de la forêt et d'incantations.
Une série d'affaires criminelles compliquées autour des destinées complexes de trois jeunes hommes pris dans le double piège des cartels de la cocaïne et des revenants d'une guérilla perdue…
Une difficile collaboration entre deux gendarmes que tout oppose…
En filigrane et en parallèle, les traces de la guerre civile qui provoqua, à la fin des années 1980, le passage de milliers de réfugiés surinamiens sur les rives françaises du Maroni…
Et toujours, la quête identitaire d'André Anato à la recherche de ses origines.
J'ai retrouvé dans ce livre tout ce que j'avais déjà beaucoup apprécie dans les deux épisodes précédents : un enchevêtrement de situations personnelles, une enquête complexe aux ramifications infinies, une belle découverte de la Guyane, loin des schémas touristiques connus… Toute une ambiance !

Je commence à bien connaître l'univers de Colin Niel ; je sais qu'il va me balader, que les événement et les péripéties vont s'imbriquer et que vais me perdre en conjectures jusqu'au dénouement.
La narration se décline en portraits, et parcours, ceux des jeunes gens assassinés ; c'est captivant et perturbant à la fois… Un découpage en forme de poupées gigognes…

Le Capitaine Anato avance dans les recherches sur le passé de ses parents, sur sa famille paternelle, sur son mystérieux géniteur, sur une lignée oubliée… Il accepte peu à peu ses origines Ndjukas, apprend le dialecte, etc…
Encore une fois, sa nièce occupe une place importante dans le récit tandis que son ancien collègue, radié de la gendarmerie, devenu détective privé, se retrouve mêlé aux investigations en cours. Encore une fois, le bel André Anato va se lier à une femme… Ce sont, encore et toujours, les mêmes ficelles qui sont mises en oeuvre et cela fonctionne.
Tout cela fait le lien avec les romans précédents, dans une réelle montée en puissance.

Le récit est développé à partir d'un ensemble de situations politiques, économiques et sociales que Colin Niel maitrise parfaitement, ce qui lui permet d'illustrer des problématiques très concrètes : l'immigration, le chômage, la surpopulation, le désespoir de la jeunesse du Bas-Maroni...
Ainsi, au-delà du trafic de cocaïne et du sort de ceux qui ont le cran de se lancer dans le transport de la drogue, de devenir des « mules », l'auteur nous fait toucher du doigt des réalités que nous autres, métropolitains, peinons à appréhender.
De même, j'avoue n'avoir aucun souvenir des troubles survenus au Surinam à partir de la proclamation de l'indépendance, en 1975.
Dans ce roman, il est aussi question de campagne électorale, de représentation des ethnies…
Personnellement, j'aime ce côté didactique de cette série guyanaise.

Efficace, dépaysant… J'ai adoré !

Lien : https://www.facebook.com/pir..
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