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Critique de Upsilonn


Bayuk nous emmène à Coq-Fendu sur les traces Toma. Maudite par une vieille femme venue mourir sous son toit, l'adolescente orpheline se retrouve embarquée à travers le bayou puis sur les mers avec Boone et Roi-Crocodile, ses alliés malgré eux. Leur aventure jonchée d'épreuves viendra ébranler les illusions de Toma et révéler de lourds secrets.
Choyée par le village qui l'a recueillie et vue grandir, Toma est une adolescente naïve quand débute le roman. Lorsqu'elle réalise qu'elle est victime d'une malédiction, c'est naturellement qu'elle se tourne vers Roi-Crocodile, qui vit à l'écart du village pour pratiquer le vodou. Si la jeune femme se montre d'abord encline à aider Toma, c'est avec beaucoup plus de réticence et sous la pression des esprits qui communiquent avec elle qu'elle accepte de partir avec elle. Boone, un jeune garçon à la mauvaise réputation et connu pour ses discussions interminables avec un palétuvier, se joint également au groupe, visiblement étouffé par un poids qui l'y oblige.
J'ai beaucoup aimé l'ambiance du roman. Les noms de villages du bayou, les allures de décors poisseux, les personnages douteux, le mystère des esprits qui poursuivent Toma et les descriptions de la pratique vodou de Roi-Crocodile m'ont plongée dans une atmosphère originale et très imagée avec laquelle je n'étais pas familière.
Le récit m'a également paru bien rythmé, la malédiction entraînant les protagonistes d'un lieu à l'autre sans temps mort. Malgré cette menace imminente, le ton reste souvent plein d'humour, ce qui rend la lecture d'autant plus agréable. J'ai trouvé beaucoup d'humour et de tendresse dans la construction des personnages aussi, et notamment dans l'équipage de la Flamme. Les pirates dandy m'ont semblé tous plus attachants que les autres.
On suit la plupart des événements depuis le point de vue de Toma, et j'ai trouvé intéressante la façon dont sont décomposées ses réflexions à plusieurs reprises. Quand la jeune fille doit prendre une décision, on suit en effet le fil de ses pensées avec beaucoup de précision, ce qui permet de mieux comprendre ses actions mais aussi d'avancer à son rythme. A ce titre, je trouve que Bayuk fonctionne comme un roman d'apprentissage. Toma est obligée de s'adapter, de réfléchir et d'agir. Parfois, elle commet des erreurs et parfois, il lui faut un moment pour comprendre quelles émotions la traversent et pourquoi. Cette façon d'accompagner ses pensées m'a paru riche parce qu'il me semble qu'elle permet de guider le ou la jeune lecteur-ice.
Ce qui m'a peut-être le plus plu dans ce roman, c'est la façon dont est abordée la question de la filiation. Élevée dans l'idée que sa mère, la capitaine Écarlate, viendrait la chercher, Toma est très vite confrontée à la dure réalité : la redoutable piratesse n'est pas aussi admirable qu'elle l'a imaginée. En plus des épreuves auxquelles elle fait face, l'adolescente doit ainsi accepter que sa génitrice n'est peut-être pas une bonne personne, et abandonner ses espoirs de réunion familiale. Boone et Roi-Crodolile sont aussi des déracinés. Si leurs parents ne sont pas intégrés au récit, ces deux-là sont également très abîmé-e-s par le fait d'avoir appris à vivre et à grandir seul-e. Les questions de l'amour parental et de la construction de soi à travers la place qu'on occupe dans une famille m'ont semblé centrales, et j'ai été très sensible à la façon dont l'autrice les aborde. Malgré les remous du récit, elle trouve le temps de poser des mots justes et tendres sur ces questions par la bouche de certains personnages. Ces considérations apportent un peu de paix au personnage de Toma, mais je crois qu'elles feront aussi beaucoup de bien aux (jeunes) lecteurs et lectrices. Toma s'entoure dans ce récit de jeunes gens et d'adultes prêts à l'aider, mais qui savent aussi lui dire quand c'est à elle de prendre son courage à deux mains. Même si elle doit accomplir le gros de ses épreuves seule, parce qu'elle doit bien grandir et prendre ses responsabilités, Toma sait qu'elle peut compter sur la bienveillance et la confiance de ceux et celles qui la soutiennent.
J'ai passé un agréable moment de lecture avec Bayuk. J'étais contente de découvrir un titre de Justine Niogret destiné à un jeune public, après avoir dévoré Chien du Heaume et Mordre le bouclier. J'étais déjà bluffée par la qualité de son écriture, mais je réalise encore plus sa maîtrise ici, où je trouve qu'elle fait un gros travail d'adaptation de son style pour le rendre accessible à un lectorat moins âgé. A ce titre, j'aurais tendance à trouver cette lecture adaptée pour un public de 12-13 ans, en gardant en tête que certains passages plus violents peuvent être délicats à lire (mais ils sont signalés par un astérisque en début de chapitre).
Merci à NetGalley et aux éditions 404 de m'avoir permis de découvrir ce roman !
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