Patte-de-Bouc part d’un grand rire essoufflé. De toute évidence, l’idée qu’ils oseraient lui faire un reproche l’amuse beaucoup. Comme pour illustrer la situation, un de ses voisins pousse à cet instant la porte d’entrée, se pétrifie une fraction de seconde, puis traverse le couloir en se collant au mur, les yeux au sol.
Votre comparse le suit du regard, un rictus mi-cruel, mi-triomphant aux lèvres, jusqu’à ce qu’il ait disparu au premier étage.
Vous débouchez enfin à l’air libre, couvert de bosses et d’égratignures, fourbu de vous être tant cogné dans le noir. Vous vous trouvez dans un terrain vague dont la profondeur se perd dans l’obscurité. Vous êtes frappé par le silence pesant qui règne en ce lieu : un calme tel qu’on en voit rarement en ville, gâté seulement par la plainte sporadique d’un chien enfermé dehors.
Pour la troisième nuit consécutive, vous vous réveillez la narine pleine de poussière, à même le planchez véreux. Vous peinez à vous orienter dans le noir mais, bientôt, la lune pénètre par la charpente crevée et révèle à vos yeux la ronde des fantômes, dont la luminescence spectrale emplit le grenier. Vous sentez le duvet se dresser sur vos bras maigres : cette nuit, sans faute, il vous faut les affronter.
Il s’agit d’un jésuite dont l’occupation exacte demeure un peu mystérieuse, que vous rencontrez généralement à la cathédrale. En votre for intérieur, vous l’avez surnommé le Hibou, par rapport à son physique atypique et, surtout, à la crainte qu’il vous inspire, avec son regard trop fixe, si aigu qu’il semble lire dans votre âme.