Citations sur Poésies (81)
LES QUATRE VÉRITÉS
De l'œuf à la tombe
LES DENTS
De l'œuf à la tombe
On est comme on est ;
Tu le sais, Lucile
Et nos crocodiles
Parmi les colombes
Font leurs dents de lait.
La rose mystique
A le croc en feu :
Comme toi, ma bique.
Mais : dent, c'est toujours
Un mot sans aveu
Chez les troubadours.
Archange benêt,
On naît comme on naît !
De tes yeux de miel,
De ton cœur acide,
Un autre décide,
Un autre, ― ou le ciel ?
Petit qui t'acharnes
Au mur évident,
Ouvre avec tes dents,
Ouvre la lucarne.
Elle donne en plein
Sur tes séraphins.
Ô jeune captif,
Ouvre avec tes dents
Ces nuits et ces bibles
Et mange ardemment,
Et mange tout vif
Un dieu comestible.
p.141-142
POUR LA DÉCISION
Assez piétiné ! Puisqu'on ne trouve pas la bonne méthode, il faut en choisir une autre. Une mauvaise méthode ressemble encore plus à la bonne que pas de méthode du tout. Tu boites, mais tu marches.
Extrait Les cerveaux brûlés (1969)
p.172
LES CLOCHES
Bim bam bim bam. Pendant vingt-cinq ans, Eusèbe écouta le son de cette cloche et la trouva la plus belle du monde. Elle enchantait son oreille et portait ses vibrations jusqu'au plus profond de son cœur. Jusqu'au jour où il entendit un autre son de cloche.
p.139
Famines
GRIS
Hommes nés dans le gris,
Hommes gris levés tôt
Dans le vieux matin gris,
Hommes gris de fenêtres,
Hommes gris
De grande odeur grise.
Le roi Salomon se fait une litière
de bois de rose et de Lapis-Lazuli.
Hommes gris levés froids
Pour le gris des registres
Et le gris des plafonds,
Pour le gris des statuts
Et pour le gris des siècles.
Le roi Salomon se fait une litière
de bois de rose et de Lapis-Lazuli.
Hommes aigris de gris,
On vous jette un dimanche rouge
Comme une tranche de bœuf !
Un dimanche avec des éclairs,
Du gros vin faiseur de colère,
Des tessons de musique rouge
Et de l'incendie.
Fameux dimanche en filles rouges
Avec des foulards écarlates
Et des seins comme des piments
Et de l'incendie.
On vous plonge dans un bain rouge.
Mais qu'on déchire vos poitrines
Et l'on verra du cœur gris,
Chiffonniers ! !
Le roi Salomon se fait une litière
de bois de rose et de Lapis-Lazuli.
Chant des hommes gris :
Tu nous embêtes
Avec ton roi Salomon
Et sa sacrée litière,
On la peindra en gris.
p.70-71
Le Stupéfait
L'HABITANT
J'habite avec un inconnu
On dort debout dans la guérite
Il rabâche de plus en plus
Et ne comprend rien à mes rites.
J'ai beau le chasser de la planque
À coups d'injure, à coups de poing,
Sitôt qu'il s'enfuit, il me manque,
Je l'appelle, il revient de loin,
Pour me chantonner des histoires
Dont je ne saisis pas un mot,
Et cependant, je vais y croire
Quand il aura tourné le dos.
Car sa sinueuse musique
Fait régner tant d'ombres en feu
Que je suis le martyr heureux
De son espérance illogique.
Et de temps en temps, sur les cimes
Où s'égarent ces folles gammes,
On prononce le mot : sublime ;
On prononce le mot : infâme.
... Fervents aveux, discours ténus,
Ou bien symphonie anathème,
J'habite avec un inconnu
Qui se prend parfois pour moi-même.
Je pourrais d'un poignard savant,
Frapper mon hôte et ses délires,
Mais je l'entendrais qui respire
Encore mieux mort que vivant.
p.220-221
Les oignons
BOUM
Je dis boum et tu dis boum-boum. Je réponds boum-boum-boum car je veux boumer plus que toi. Ça reboume de plus en plus fort, et c’est ainsi que commencent les grands empires. C’est ainsi que les grands empires finissent. Et d’ailleurs que, boum, ils recommencent.
p.139
La langue verte
DEDANS
Dans le sacré sublime
Acharné brasier d'amour,
Dans le sacré rageur
Absurde bleu de bleu,
Dans le sacré tenaillant
Sourire de l'archange,
Dans le sacré dormeur
Enragé du bête silence,
Dans le sacré fourbis
Noir brûlant de la pensée,
Dans le sacré dansant
Jubilant du vin des vignes,
Dans le sacré tonnerre
D'amour-désespoir de tout,
Dans le sacré juron
Profanateur du sacré,
Dans le sacré poumon.
Poumon de la poésie,
Norge,
Moi, ô
J'ai vécu
Dans le sacré.
p.105-106
LIBERTÉ
À quoi bon semer des miettes blanches
derrière soi
comme Petit-Poucet
pour retrouver sa route,
puisque les oiseaux les mangeront !
Sois plus sage, ô moi-même
et apprends à aimer
ton incertitude et ta détresse.
Marin de la mer nue,
marin ivre de la mer périlleuse
aux routes sans souvenir,
aux dures bises salines.
Sois donc sage, puisque des oiseaux
avides mangeraient quand même
tes miettes blanches.
Et maintenant, tu peux bâtir
au style de ta fantaisie
tes fluides châteaux de carte,
poète.
p.20-21
ON SONNE
Cher univers, tu m'étonnes.
Tu dis blanc, mais tu dis noir.
Excuse moi, car on sonne.
Oui, j'y cours, j'y vais voir.
Me revoici, que disais-je?
Ah oui : je comprends bien mal
Ton feu froid, ta chaude neige
Et tes trois règnes en al.
Pardon, mais l'on sonne encore.
Une seconde ! j'arrive.
(Elle insiste, la pécore.)
Attends-moi, tiens prends ce livre.
Ouf ! tu répondais, je crois
Que l'habitant de la lune...
Je parlais de croix, de croix ;
Ah oui, tu parlais de prune.
Je ripostais cependant...
Tonnerre, encor la sonnette !
Je disais : le mal aux dents...
Non, je disais l'alouette...
Ces escaliers me tueront.
Tu réponds : ta voie lactée,
Tes soleils, et tes nuitées,
Que tout ça tourne assez rond.
Bien, bon, c'est joli à voir,
Mais pour nous c'est du spectacle
Si tu crois nous émouvoir,
Nous renâclons, je renâcle !
Je te parle chien et chat,
Je te parle messieurs-dames,
Vie et mort, amour, crachat,
Je te parle corps et âme.
Tudieu, la sonnette encore.
Qui sonne ? la mer, l'azur,
Les siècles ? Nise, un centaure ?
Mais on sonne, c'est bien sûr.
On sonne, on sonne, on re-sonne.
Univers, excuse-moi.
Tu disais : chaud, je dis : froid !
J'ouvre et je ne vois personne.
p.122-123
FILLE D'AMOUR
Tu peux fair' de moi loul c'que lu voudras
Léonce.
Tu n'as rien d'mandé. mais l'es sûr de ma
Réponse.
Quand on aim' si fort depuis si longtemps.
Misère.
Qu'esi-c'qui reste encore conf les sentiments
A faire ?
Un' fill" ca n'peul pas résister si dur
Quand brille
De toul' sa fureur l'amour en feu sur
Un' fille.
Goûle. pille et bois ombre, bouche et seins.
Oh. pille!
A la soif d'amour c'est comm' du raisin
Un' fille.
J'ai fini d'pcnser: c'est plus qu'ton envie.
Ma vie.
Just' bonne à tuer quand ça s'déshabille.
Un' fille.