Zéphyr
Le joli petit vent du matin
Qui glousse avec sa voix de satin
A flâné toute la nuit dehors
En frôlant les vivants et les morts.
Il a bu d'enivrants clairs-de-lune
Et joué dans le sable des dunes,
Ecouté le récit d'un ruisseau,
Chatouillé quelque sein jouvenceau,
Regardé par les trous de serrure
Les amours aux profondes morsures,
Respiré les désirs, les détresses,
Sinué dans les lentes caresses,
Butiné le miel bleu de la nuit...
Sur la pointe des pieds s'est enfui,
Préférant les fenêtres ouvertes
Où la grappe du rêve est offerte.
Il a même léché le long glaive
Qui parfois sort sanglant de ce rêve
Mais au matin, ce folâtre vent,
Avec son petit air innocent,
Avec son joli nez de fillette,
Ne parlera pas de ses cueillettes.
Il a l'air d'avoir tout oublié
Au sommet de son haut peuplier
Et pareil au chat repu d'oiseaux,
Il viendra nous aimer du museau,
"Pour toujours" dira ce jeune vent
Qui ne va plus durer qu'un instant.
On dansa jusqu'à l'aurore
Et la fête fut si tendre
Que parfois scintille encore
Quelque baiser sous la cendre.
Oui, même après tant d'années,
Dans les grands lustres là-haut,
Des éventails vont planer
Comme de frêles oiseaux.
Et le secret d'un miroir
Tient pour lui seul désormais
Le merveilleux désespoir
De deux enfants qui s'aimaient.
Les lueurs des sentiments,
Leur feinte aux mille sourires
Imprègnent profondément
Ces murs lourds de souvenirs.
Rien ne se perd dans ces lieux,
Rien ! Si l'on écoutait mieux,
On entendrait sourdement
Battre des coeurs anxieux,
On entendrait doucement,
Simplement, aveuglément,
Une navette infinie
De fougueux événements
Et de longues accalmies
Tisser les fils de la vie.
[POUR MÉMOIRE; à Michel Crine]
Monsieur Aubert, tu te souviens
Des platanes de Vence
Du temps où nos anges gardiens
Etaient de connivence !
Car tu lisais mes vers au tien
Qui n'a pas dit, je pense,
S'il y trouvait peu d'attirance
Ou s'il les aimait bien.
Comment sont dans l'azur immense
Les platanes aériens
De ta nouvelle résidence ?
Pourquoi garder tant de silence ?
Nous t'en prions, reviens,
Aubert, nous faire confidence
Et sourire avec endurance,
Tu souriais si bien
Au grand Tout comme aux petits riens
Sous l'ombre que font aux nuances
Les platanes du Grand-Jardin.
Que penses-tu des anges ?
Ami, tu t'en souviens.
Je suppliais les séraphins
De bien me tenir les phalanges.
Aubert, ils m'ont lâché la main !
(Monsieur Aubert)
Je pensais Noir et j'ai dit Blanc
Par désespoir et par espoir
Et je suis stupéfait de voir
Que c'est Blanc fabuleusement.
[...]
Ah, mon Dieu ce serait la fête
Profonde où la Soif pourrait boire,
Cette blancheur plus que parfaite
Qui saurait caresser le Noir !
La blancheur et son noir amant,
Aux cieux de leurs secrètes noces,
Brilleraient éternellement
D'une âme lucide et féroce
Comme la nuit du diamant.
Je ne sais quel dragon ailé
Venait de passer dans la chambre,
Mais on vit soudain se fêler
Un oeil de la sculpture d'ambre.
Et dans le cahier de solfège,
Parurent deux grains de raisin.
Il tomba même un peu de neige
Sur les touches du clavecin.
On entendit tinter un la
Triste et lent
Avec la
Douceur d'un flocon blanc.
(UN LA)
Jeanne Moreau - Chanson à Tuer
Plante ce couteau, minette
Mais droit au coeur s'il te plaît
La besogne à moitié faite
Et les meurtres incomplets
Font horreur à l'âme honnête
Qui n'aspire qu'au parfait
Qui n'aspire qu'au parfait
Parfait, parfait, parfait
Les couteaux à cran d'arrêt
N'ont cure des pâquerettes
L'homme dort comme un boulet
Plante ce couteau, minette
La nuit saoule de planètes
Ne se souviendra jamais
Ne se souviendra jamais
Jamais, jamais, jamais
Droit au coeur, au coeur discret
Qui dans son profond palais
Sait mourir sans chansonnette
Plante ce couteau, minette
La nuit saoule de planètes
Ne se souviendra jamais
Ne se souviendra jamais
Jamais, jamais, jamais
Ne se souviendra jamais
Paroles: Norge
Musique: Michel Philippe-Gérard
+ Lire la suite