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Critique de HundredDreams


Chaque rentrée littéraire est l'occasion de renouer avec Amélie Nothomb.
Je reviens régulièrement vers ses romans qui sont généralement de bons moments de lecture. J'aime son style inimitable, son univers souvent excentrique, son écriture ironique et espiègle, le choix de ses mots, ses personnages bien campés.
En ce début d'année, suite à la superbe critique de Ladybirdy que je remercie vivement, mon choix s'est fixé sur son dernier-né.

Lauréat du prestigieux prix Renaudot 2021, « Premier sang », est un récit assez court, très intime dans lequel Amélie Nothomb rend un magnifique hommage à l'homme le plus important de sa vie, son père, décédé en 2020, en plein confinement.

« Mon père est un grand enfant que j'ai eu quand j'étais tout petit. »
Sacha Guitry
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J'ai aimé l'originalité de la construction de cette histoire.

Alors que d'habitude, Amélie Nothomb se met en scène dans ses romans, ici elle s'efface totalement, laissant toute la place à Patrick Nothomb, son père.
Raconté à la première personne, l'auteure désire faire entendre la voix de ce père tant aimé. Ainsi, elle prend sa plume et le fait revivre. Il nous relate son enfance jusqu'aux années 60 avant la naissance de sa fille.

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Dès les premières lignes, le texte m'a happé.
Saisissant. Intrigant.
Nous sommes face à un homme qui va être exécuté. Nous ne connaissons pas encore son identité. Nous ne la connaîtrons qu'au fil des pages lorsque cet homme, face à cette mort imminente, se remémorera par flashbacks, ses souvenirs d'enfance jusqu'à l'âge adulte.

« Dire que j'ai envié à Dostoïevski l'expérience du peloton d'exécution ! À mon tour d'éprouver cette révolte de mon être intime. Non, je refuse l'injustice de ma mort, je demande un instant de plus, chaque moment est si fort, rien que de savourer l'écoulement des secondes suffit à ma transe.
Les douze hommes me mettent en joue. Est-ce que je revois ma vie défiler devant moi ? La seule chose que je ressens est une révolution extraordinaire : je suis vivant. Chaque moment est sécable à l'infini, la mort ne pourra pas me rejoindre, je plonge dans le noyau dur du présent. »

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La plume percutante de l'auteure nous met au plus près des émotions de cet enfant particulièrement attachant.

Certains moments sont très touchants lorsqu'il se confie sur sa vie, sa solitude, sa tristesse de ne pas ressentir l'amour maternel, son manque de ne pas avoir eu de père, et son désir d'en avoir un.

D'autres moments plutôt graves, deviennent, sous la plume de l'auteure, amusants et cocasses. Je pense en particulier au moment où le jeune Patrick alors âgé de huit ans, est jugé trop délicat par son grand-père maternel. Il décide de l'endurcir en l'envoyant en vacances chez son grand-père paternel habitant un château dans les Ardennes.

« C'est un homme merveilleux, tu sais. Il vit dans une espèce de conte où les femmes sont des princesses qui se nourrissent de rosée et où les enfants sont les frères et soeurs du Petit Poucet. »

Amélie Nothomb n'a pas son pareil pour dresser un portrait loufoque et fantaisiste de cette famille aristocratique désargentée et surtout de ce grand-père fantasque, pédant, poète et terriblement égocentrique.

« Tout en grignotant mon croûton de pain, j'observai mon grand-père. Vêtu d'un costume élégant, il parlait avec égard à son épouse charmée et à ses aînés. Il semblait ne pas remarquer les enfants loqueteux et malingres qui occupaient le bout de la table et qui ne recevaient aucune éducation en dehors d'un darwinisme pur et dur. »

J'ai aimé aussi les moments où le jeune Patrick découvre l'amour et ses désillusions.

« Ne jamais tomber amoureux d'une femme sans l'avoir vue fâchée. La contrariété révèle la personnalité profonde. »

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Pour conclure, trentième roman et centième manuscrit d'Amélie Nothomb, « Premier sang » est une très belle réussite.
Cette histoire aurait pu être triste, nostalgique, mais c'est tout le contraire. Les images de l'enfance de Patrick sont belles, amusantes, tendres et touchantes. On ressent profondément tout l'amour, le respect et l'admiration de l'auteure pour son père.
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