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Critique de paulallan380


DE LA ‘COM' GOUVERNEMENTALE !
Ouvrage sensé expliquer les mécanismes des turbulences qu'à traversée la Côte d'Ivoire depuis le coup d'Etat de 99.
Malheureusement, on a plutôt le sentiment de lire une compilation de documents en harmonie avec les versions officielles des Autorités françaises de l'époque. En gros, une opération de « com » au profit du gouvernement français !

On n'apprend strictement rien sur le fond de la crise ivoirienne. Pour essayer de comprendre ce qui se passait vraiment en coulisses, il vaut mieux chercher ailleurs. L'éclairage de JC Notin est à la fois partiel (et partial !) et totalement ‘européo centré', pour reprendre l'expression de l'historien africaniste Bernard Lugan.
Ce qui aurait présenté un intérêt, une analyse basée sur un travail d'investigation sur le terrain, est totalement inexistant.

La cerise sur le gâteau est le récit de la période post électorale de 2011 : le méchant Président sortant qui a perdu les élections et refuse de l'admettre, est chassé par les troupes de super Zorro Sarkozy et remplacé (quelques milliers de morts après) par le gentil vainqueur Alassane Ouattara.
Cette partie, c'est carrément la ‘Pravda' matinée des communiqués triomphalistes de l''OKW' (Oberkommando der Wehrmacht).

En bref, un livre de propagande baigné dans un conformisme affligeant, et il y a des moments où les paupières deviennent franchement lourdes. Lire ce pensum jusqu'au bout fut un calvaire. Aussitôt la dernière page refermée, l'« ouvrage » est parti sans regrets au vide-ordures.
M. Notin est, paraît-il, un « corpsard », c'est-à-dire sorti dans les premiers de l'X. Il aurait mieux fait de suivre la carrière d'ingénieur à laquelle sa formation le destinait, plutôt que de commettre des ouvrages aussi incolores, du niveau d'un vulgaire rapport d'énarque.

La Présidence de Laurent Gbagbo est loin d'être au-dessus de toute critique. Il y a eu par exemple beaucoup de ‘dérapages' contre les français résidant en Côte d'Ivoire. Ceux-ci faisant figure d'otages, dans les conflits d'intérêts qui ont opposé L. Gbagbo avec le gouvernement français (période Chirac – Villepin). Mais les trois dernières années précédant les élections, les choses se calmaient. Et sur le plan économique, les affaires avaient bien repris. Or, la priorité c'est déjà d'avoir un toit et de quoi manger.
Dans le sud, une bonne partie de la société civile ivoirienne ne craignait qu'une chose, c'est que des élections présidentielles qui ne rimaient à rien, tant que le pays n'était pas réunifié, finissent par avoir lieu. Quelle valeur donner aux résultats alors que plus de la moitié nord du pays était aux mains de rebelles armés, favorables à l'adversaire du Président Gbagbo, Alassane Ouattara.
Beaucoup de monde, sur place, pressentait que çà déboucherait sur le chaos. Et c'est bien ce qui c'est produit. Avec, pour la première fois, depuis toutes les crises qui ont suivi le coup d'Etat de 1999, des morts parmi les français vivant en Côte d'Ivoire.

D'autre part, L. Gbagbo avait effectivement été mal élu en 2000, mais, pour faire le parallèle avec la France, pas tellement plus mal qu'un Emmanuel Macron. Qu'il s'agisse du score de ce dernier en termes de pourcentage des inscrits (et la presse officielle française s'est montrée avare de détails au lendemain du deuxième tour), ou des méthodes, dignes d'une République bananière, pour évincer un François Fillon, dont le projet de rendre un peu de liberté aux français faisait visiblement peur au « système ».
En revanche, pour poursuivre le rapprochement entre les deux hommes d'Etat, contrairement à E. Macron, la popularité de L. Gbagbo n'avait cessé de croître après son élection en 2000.

Même quand on n'aime pas la personnalité de L. Gagbo, l'acharnement de Nicolas Sarkosy finit par donner la nausée : instrumentalisation de l'ONU et de l'UA (Union Africaine); intervention ouverte de l'armée française pour aider les rebelles à entrer dans Abidjan, l'armée régulière et les partisans de L. Gbagbo boutant les rebelles hors d'Abidjan à chaque nouvel assaut (j'ai eu l'occasion de croiser sur le boulevard VGE une colonne longue de plusieurs centaines de mètres de jeunes volontaires défilant impeccablement en rangs serrés et au pas de course ; impressionnant !).
Et pour conclure l'ignominie, l'appui des troupes française lors du ‘nettoyage' des quartiers pro-Gbagbo.
La chute monumentale des résultats électoraux de N. Sarkozy auprès des français de Côte d'Ivoire, lorsqu'il se représente à la présidentielle française, montre leur désaveu après les ravages occasionnés par l'action de celui-ci en Côte d'Ivoire. L'ancien petit bachelier B (la série des médiocres à son époque) n'a d'ailleurs visiblement pas convaincu non plus en France et il ne sera pas reconduit à un nouveau CDD.
Compte-tenu de l'importance des forces déployées (des moyens militaires complémentaires sont même prêts à être acheminés en renfort en Côte d'Ivoire, au cas où les troupes de L. Gbagbo persisteraient dans leur mauvaise volonté à ne pas se laisser écraser), on ne peut pas ne pas se demander quels étaient les intérêts cachés de N. Sarkozy dans cette affaire ?

JC Notin a aussi totalement omis de poser quelques questions, pas forcément secondaires, qui auraient pourtant du lui venir à l'esprit. Comme : depuis quand fait-on la guerre à un pays sous prétexte de ‘fraude' électorale ?
Et aussi : pourquoi la nébuleuse qualifiée de ‘communauté internationale' n'a jamais voulu accepter le recomptage des votes demandé par Laurent Gagbo? Comme le disait, à l'époque, le journaliste Pierre Péan, sur un des rares médias français, qui ont parfois (rarement) laissé un peu de temps de parole à ceux qui étaient critiques envers l'action partisane, puis guerrière du gouvernement français en Côte d'Ivoire: « on ne peut pas porter la démocratie au pinacle et refuser un recomptage de voix ».

En ce qui concerne le sérieux des résultats de l'élection présidentielle, J. C. Notin n'insiste pas sur le fait que dans le Nord aux mains des rebelles partisans d'Alassane Ouattara, les bureaux de votes donnent à peu près partout des résultats staliniens. 100% pour A. Ouattara. Il y a même des bureaux de votes où A. Ouattara obtient plus de voix que d'électeurs inscrits. Quasiment pas d'observateurs de l'Onu dans le nord. Et ceux qui ont eu l'imprudence de s'y rendre, doivent être évacués en catastrophe par un avion affrété d'urgence. Même si le sud favorable à Laurent Gbagbo est loin d'être au-dessus de tout reproche, on n'atteint pas la mascarade du Nord. Et il suffira au Conseil constitutionnel d'annuler les résultats de quelques circonscriptions du nord, où la fraude est trop flagrante, pour que L. Gbagbo (en tête au premier tour), obtienne la majorité des voix. Tout ceci inutilement, car N. Sarkozy déclarera ultérieurement, avec le culot qui le caractérise, que même si L. Gbagbo avait été vainqueur sans discussions, les rebelles (appuyés par l'armée française) seraient descendus l'écraser dans le sud.

Peu de temps après son installation dans son fauteuil, A. Ouattara saura remercier pour son aide, le surnommé IB, chef du fameux « commando invisible » qui avait fait diversion, semant la terreur et harcelant les troupes loyalistes dans certains quartiers populaires d'Abidjan… en le laissant se faire atrocement massacrer. Celui-ci était devenu trop encombrant.
Selon l'historien Bernard Lugan, A. Ouattara n'est pas considéré comme réellement légitime par la population. Parce que « haut fonctionnaire coupé des réalités » et de surcroît, « arrivé dans les fourgons l'armée françaises ».

Quoiqu'il en soit, sans surprise, l'ancien du FMI a poursuivi la même politique que lorsqu'il était le premier ministre (vraisemblablement imposé par le FMI) d'Houphouët-Boigny: matraquage fiscal et réglementations tous azimuts. Avec pour conséquence, une paupérisation croissante de la population (les données macroéconomiques officielles prétendant, bien évidemment, le contraire !). La phrase amère de cet ivoirien employé dans un organisme consulaire résume tout : « c'est la chasse au fric ! ».

Cette fiche de lecture a été rédigée lors de la sortie du livre de J. C. Notin, donc peu de temps après les évènements décrits. J'ai voulu prendre du recul (plusieurs années quand même !) avant de la publier, car ayant vécu les évènements sur place, j'étais à la fois écoeuré et révolté par ce qui s'était passé. Mais, finalement, je ne trouve rien à modifier de ce que j'ai écrit à l'époque.
Et déjà les premiers morts, lors de l'investiture controversée de M. Ouattara à un troisième mandat, me poussent aussi à cette publication.
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