Je rêve d'acheter un grand pavillon à la campagne où je pourrais accueillir toutes mes amies des laveries, qu'on laisse croupir dans ces institutions révoltantes. Je rêve d'un foyer où elles seraient assistées d'un personnel compréhensif, tout en restant libres de leurs mouvements ; où elles n'auraient pas à demander la permission pour sortir dans le jardin ou fumer une cigarette ; où elles décideraient de l'heure à laquelle se coucher, dans un lit confortable aux couvertures douillettes ; où elles choisiraient leurs menus et n'auraient pas à demander pour se servir une tasse de thé. Je voudrais tant leur offrir cette liberté et un semblant de vie normale, avant qu'il ne soit trop tard.
Les jours comme ce vendredi soir, je suis dans l'incapacité de supporter les pensées de cette petite fille [l'auteur, quand elle était petite] qui refuse d'admettre ce qui lui est arrivé, comme moi-même je nie la progression du flot de lave dans ma tête. Dans ces moments-là, je lui en veux et l'accuse de n'avoir rien fait pour mettre un terme aux abus. Elle n'a pas toujours eu six, huit ou dix ans ! Elle a eu treize, quatorze ans et malgré tout, elle a continué à se laisser faire !