A Killarney, petite ville au sud-ouest de l'Irlande, Bernard Dunphy propose aux touristes des promenades en calèche. le jeune homme est passionné de blues, comme l'était son père qui l'a initié à la guitare et qui est mort il y a bien des années. Depuis sa plus tendre enfance, Bernard est différent. Il préfère la solitude et le blues. Dans sa chambre, il aime à composer et enregistrer des morceaux dont il confie un exemplaire à Marian, celle qu'il aime depuis toujours mais qui l'ignore. Dans cette petite ville où tout le monde se connaît et se côtoie, notamment dans les pubs, un drame va survenir qui va transformer Bernard…
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Killarney blues » est un roman de l'auteur irlandais Colin O'Sullivan, artiste qui est venu progressivement à l'écriture. Après avoir publié des nouvelles et des recueils de poésie, il s'est tourné vers l'écriture de romans. «
Killarney blues » est son premier roman.
Ce roman noir offre une expérience de lecture bouleversante. Si les clés de l'intrigue puisent dans des ressorts classiques, la construction de celle-ci ainsi que le style lui donnent une réelle densité et profondeur, en résonance avec les paysages magnifiques de cette région du bout du monde. D'emblée, le charme opère et l'histoire nous aimante tant et si bien qu'on ne peut lâcher l'oeuvre avant de connaître la fin.
Avec une empathie très fine, l'auteur sait rendre les paysages intérieurs des protagonistes, notamment ceux de Bernard, ce jeune homme atypique aux côtés duquel chemine le lecteur. Et si l'intrigue reste résolument noire, marquée de drames et traumatismes, l'auteur évite l'écueil d'une narration sordide grâce à un sens de l'humour à propos, des descriptions aux résonances poétiques, notamment avec le blues, et une grande pudeur avec laquelle il rend les protagonistes, en particulier Bernard. La douleur, les secrets et drames de l'existence ne sont jamais loin, pour autant, l'écriture particulière vient en atténuer l'impact, à l'image des brumes tenaces sur les escarpements rocheux d'Irlande qui parviennent à estomper les contours les plus rudes des paysages.
Le roman marqué par le contraste entre l'innocence de Bernard d'une part, la vision joyeuse qu'il a de sa ville, des gens qui l'entourent même s'il s'efforce de taire en lui des souvenirs douloureux venant de loin et la noirceur de l'existence de ses habitants, d'autre part : parmi les protagonistes, on trouve Jack, brute épaisse tant sur les terrains de foot que dans le lit des filles ; John, le père de Bernard, retrouvé noyé dans un lac ; Marian et ses deux amies, Mags et Cathy, qui diluent dans les pintes des pubs leurs espoirs impossibles, notamment la quête de l'homme idéal, et prennent, irrémédiablement, de l'âge.
Il ressort de «
Killarney blues » une douceur infiniment triste qui enveloppe les paysages d'une pluie et d'un brouillard tenaces. Et même quand le soleil brille et que la beauté des lieux se fait jour, les autochtones savent bien que celle-ci reste éphémère. A l'image de Bernard, on ressort de ce drame bouleversé, transformé. Un très beau moment de lecture.