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Critique de La-page-qui-marque


Ouvrir un roman de Joyce Carol Oates augure toujours de belles promesses. Sous ce titre étrange, ce cache un grand roman de famille. Même si il fait plus de neuf cent pages, ce roman ne déçoit pas. L'autrice y raconte l'onde de choc provoquée par la mort du père au sein d'une famille de cinq enfants. Un roman intime mais traversé par les grands débats qui déchirent les États-Unis.

John Earle McClaren, l'ancien maire de Hammond, dans l'état de New York, est un homme respecté. Père de cinq enfants, il est admiré par sa famille dont il est le pilier. En octobre 2010, alors qu'il revient d'une soirée municipale, il est témoin d'une agression faite par deux policiers contre un jeune homme à la peau foncé. Il tente de s'interposer mais reçoit des coups de taser qui l'envoient au sol. Son AVC, puis son décès, sont un choc pour sa famille. Il était ce qui les reliait tous les uns aux autres. Jessalyn, sa femme, se retrouve seule. Les cinq enfants accusent les coup chacun à leur manière. Pendant plus d'un an nous les suivons dans les étapes de leur deuil et dans leurs tentatives de renaître après une perte si terrible. Progressivement la dislocation de la famille se met en oeuvre, peut-etre pour recomposer un nouveau schéma.

Jessalyn a toujours vécue dévouée à son marie. Dans son ombre, chéri par celui-ci, elle n'avait pas de decision à prendre. Mise presque sous cloche, la chère épouse, demeurait en retrait. La mort de son mari laisse donc un vide immense. Elle peine à trouver comment rebondir et ses enfants, préoccupés, ne cesse de lui dire quoi faire. Elle devient une petite chose à protéger. Jessalyn est le personnage central du roman. L'absence redéfini la place de chacun et elle devient le noyau de la famille bien malgré elle. Alors qu'elle aspire à la solitude pour mieux se reconstruire, ces enfants ne cessent de vouloir lui dicter sa conduite afin qu'elle demeure la femme que leur père aimait et uniquement cela. Ses errances, ses hésitations et ses angoisses sont finement traduites. Malgré quelques longueurs dans les chapitres la concernant, nous découvrons une femme qui progressivement tente une émancipation. La mort détruit tous les schémas prédéfinis et l'oblige à penser pour elle et à elle.


Les cinq enfants, adultes et préoccupés par leurs propres vies, peinent à s'entendre. Ils sont tous très differents et vivent leur deuil chacun de leur coté. Chacun à dans la famille a une place défini et tous vouent une admiration sans borne pour leur père. L'équilibre qu'ils s'étaient construit s'effondre avec la mort de ce dernier. Ils doivent faire face à eux même. L'autrice, dans son écriture arrive à nous retranscrire leur état d'esprit. La colère, le désespoir ou l'angoisse passe au travers de ses mots et viennent percuter le lecteur. La plume de Joyce Carol Oates s'adapte à l'état d'esprit de ses personnages et nous entraîne dans leur intimité la plus profonde.

Le roman alterne entre les divers personnages sans logique apparente. Progressivement nous en apprenons plus sur chacun d'entre eux et des révélations se font jour. Les points d'orgues du romans sont les moments où toute la famille se retrouve, comme lors de l'ouverture du testament ou pour Thanksgiving. Ces scènes sont saisissantes, elle mettent à jour certains mécanismes et certaines habitudes qui structurent la famille.

Le roman est globalement pessimisme car on assiste au délitement d'une famille incapable de partager une peine commune. Unis en apparence, ils n'arrivent pas à faire bloc dans l'intimité. Mais l'espoir ce fait jour par moment grâce à des quelques épiphanies. L'autrice, qui nous a habitué à des romans bien plus noirs, ménage une issue à ses personnages. En toile de fond on trouve également la question des violences policières. A travers le parcours des enfants, Joyce Carol Oates questionne aussi la notion de réussite et l'hypocrisie qui entoure ce concept. le sexisme et l'homophobie jalonnent aussi son récit et l'ancre dans une société pleine de contradictions.

Les McLaren m'ont accompagnée pendant dix jour et refermer ce lourd roman a presque été un déchirement. Je suis encore une fois impressionnée par le talent de Joyce Carol Oates pour disséquer les dysfonctionnements des relations entre les humains. Elle nous offre un portrait de famille crédible où tous ont de l'épaisseur et de la chair. Encore un incroyable moment vécu grâce aux mots de la grande Joyce.
Lien : https://lapagequimarque.word..
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