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Francis Ledoux (Traducteur)
EAN : 9782757809440
672 pages
Points (09/10/2008)
3.8/5   165 notes
Résumé :
Maureen Wendall et son clan : une famille ordinaire éprouvée par trente ans de drames et de combats, dans cette ville de Détroit qui semble faire écho à toutes les crises de l'Amérique, de la grande Dépression aux émeutes raciales de 1967.

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Critiques, Analyses et Avis (36) Voir plus Ajouter une critique
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Eux est une autre lecture qui m'a laissé perplexe. le bouquin commence par une note de l'autrice Joyce Carol Oates qui indique que son roman a été inspiré par une lettre d'une de ses étudiantes, de l'époque où elle enseignait à l'université de Détroit. Ah, tiré d'un fait vécu? Cela ajoute toujours une dimension supplémentaire à une oeuvre. Ainsi, dans Eux, on découvre Loretta Botsford, dix-sept ans. Milieu socio-économique défavorisé, mère disparue, père malade, frère violent et ayant de mauvaises fréquentations. Puis, un drame horrible survient. Je n'en dis pas plus sur cet épisode. Dans tous les cas, quel terrible début dans la vie. Ceci étant dit, le reste du bouquin se concentre surtout sur les deux enfants de Loretta, Jules et Maureen. Ces deux-là connaitront également des difficultés dans la vie.

À un moment pendant ma lecture, mon attention s'est porté sur la couverture du roman. Celle de l'édition que je lisais promettait « du Zola… made in America. » Ma lecture était assez avancée mais, malgré tout, cela a donné un éclairage nouveau. Est-ce un récit naturaliste? Loretta a fui son milieu familial terrible. Heureusement pour elle, cette jeune femme trouve l'amour de manière inattendue, fonde sa propre famille. Vivra-t-elle heureuse? Est-ce que le mal qui rongeait sa famille était héréditaire? Est-ce que Loretta et ses enfants sont prédestinés à une vie difficile, un destin implacable? Ou, plutôt, conditionnés à répéter les schèmes de leurs aïeux?

Au destin de cette famille peut s'ajouter celui d'une Amérique du milieu du XXe siècle qui se construisait. Je lui ai trouvé plusieurs longueurs mais bon…. Aussi, puisque Joyce Carol Oates indiquait d'emblée que son roman était inspiré de la vie de Maureen (je suppose qu'il ne s'agit pas de son vrai nom), je m'attendais à ce que ce personnage tienne une place plus importante. Pourtant, sa mère puis son frère lui volent la vedette. L'histoire de Jules était intéressante (peut-être même davantage que celle du reste de sa famille) mais j'ai mis du temps à l'apprécier parce que, pendant longtemps, je croyais qu'il allait disparaitre pour que la narration revienne sur Maureen.

Bref, Eux est assez représentatif de l'oeuvre de éclectique et prolifique de Joyce Carol Oates. Un moment de lecture un peu longuet mais pas sans intérêt, loin de là. En effet, elle réussit toujours à nous faire plonger dans un univers unique et distinct puis à créer des personnages assez ordinaires (ils pourraient être nos voisins) mais à les rendre de telle façon qu'ils semblent plus grands que nature.
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Qui sont "Eux"? Tout ce qui n'est pas "nous" ou "je"? Et comment construire le "je" ou le "nous" face à "eux"? Autant de questions existentielles qui parsèment ce gros roman de Joyce Carol Oates. Dans sa note de préface, l'auteure prévient qu'il s'agit d'une histoire vécue. Une de ses anciennes étudiantes de cours du soir à Detroit l'a contactée pour lui expliquer sa vie dans les taudis de la ville.

En résulte l'histoire de Loretta et de ses enfants, deux en particulier, ses aînés Jules et Maureen, l'étudiante en question. le livre s'étale sur trente années, de 1937 à 1967. Madame Oates mêle récit introspectif, roman familial et données sociologiques. Sa puissance évocatrice rend prégnante l'ambiance de ces trois décennies, entre misère sociale et intellectuelle, racisme latent et désir grandissant de changer les choses. le personnage de Maureen en cela est poignant dans sa volonté, adolescente, d'ordonner sa vie pour lutter contre le chaos sordide et bruyant de sa famille, entre sa mère jacassante et souvent prise d'alcool, son père puis beau-père taiseux quand ils n'explosent pas en violence, la cadette graine de délinquance et l'aîné Jules tant aimé bien que si distancié. Ordonner le chaos par les livres, le savoir, la rigueur méthodique. On ne sort pourtant pas si aisément du carcan originel...

Le texte évolue sur un rythme qui lui est propre, oscillant entre longs chapitres d'introspection de Maureen ou de Jules surtout, et soubresauts socio-familiaux. L'apothéose voyant la ville de Detroit s'embraser dans les émeutes, événement qui marqua fortement Joyce Carol Oates. Celle-ci vécut dans cette ville durant les années 1960 avec son époux. Son acuité d'observation et de réflexion étant ce qu'elle est, il ne pouvait sortir qu'un grand roman de cette période de sa vie, récompensé à juste titre par le National Book Award en 1970. Par le biais de l'écriture, l'auteure est à la recherche perpétuelle du sens de la réalité, avec ses mouvements sous-jacents qui forment comme une tectonique sociale pouvant conduire à des explosions de violence comme elle a pu le démontrer ici ainsi que dans son oeuvre ultérieure.

Magistral et réussi comme toujours.
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Quelle lecture ! Une claque, une révélation…
Eux, ce sont les Wendall, Loretta tout d'abord, et puis Jules et Maureen, deux de ses enfants…
Eux, ils vivent à Détroit, dans les bas-fonds de la ville. Depuis la Grande Dépression de la fin des années 30 jusqu'aux émeutes raciales de 1967, on les suit, d'un quartier à un autre, ballottés par la misère, confrontés à la violence, flirtant avec la folie.
Eux, ce sont les Hommes et les Femmes, dominants et soumises, à moins que ce ne soit le contraire…

Joyce Carol Oates parle d'Eux comme d'un roman sur la lutte des classes, sur le piège du rêve américain. Mais le livre nous emporte au-delà. Quel est le devenir d'une ambition légitime pour une vie meilleure lorsqu'on est réduit au mode survie ?
Soumis à une grande pauvreté, de revenus, de savoirs mais aussi d'affection, ces privations génèrent un milieu insécurisant, provoquent l'éclatement de la famille. Joyce Carol Oates aborde ici avec une grande finesse psychologique les conséquences des carences affectives sur le développement de la personnalité d'un enfant. Comment construire son identité ? Comment développer ses capacités ? Comment gérer ses émotions ? Maureen calfeutrera ses traumatismes et ses peurs derrière une vie rigidement cadrée mais sans affects. Jules, tout au contraire, libéré du carcan familial par une succession d'évènements dramatiques finira par s'ériger contre les règles sociales et éthiques. Mais ils auront en commun la solitude, le douloureux ressenti du morcellement du corps et de l'âme, l'incompréhension des autres, les réponses inadaptées à la demande sociale, une connaissance tronquée de la réalité.

Eux, c'est enfin Détroit, la ville que tous voudraient quitter mais où ils reviennent toujours, parce qu'elle ne vous lâche pas. Joyce Carol Oates nous raconte sans ménagement ni exagération les taudis, la crasse, le racisme, la maltraitance, la délinquance. Elle ne porte au-delà aucun jugement, en essayant simplement ( et avec grand talent) de décrire le plus réalistement possible la violence humaine sous tous ses aspects...

Une claque j'vous dis !
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Eux, un des quatre romans sociaux du "Wonderland quartet" pour lequel Joyce Carol Oates a reçu le National Book Award en 1970, déroule une chronique familiale en milieu défavorisé dans le Detroit, Michigan des années 40 à 60 centrée sur trois personnages : Loretta et ses deux enfants Jules et Maureen.

Un long roman au bout duquel il serait difficile d'aller sans l'esthétique hypnotisante si particulière de la plume de JCO, et son talent à s'immiscer en méandres cursifs dans les recoins des âmes.
Le roman, noir, chiche en actions, enchaîne les scènes statiques dans lesquels s'engluent nos trois héros pour lesquels j'ai été bien en peine de ressentir la moindre empathie.

Et pourtant, l'écriture introspective délayée à un tel extrême qu'elle en rend presque claustrophobe, est fascinante.

Un sentiment mitigé donc, sur une lecture plutôt fastidieuse mais dans laquelle une certaine magie opère.
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Loretta a 16 ans quand sa vie bascule, un chaud matin de 1937. « Les hommes vous décevaient toujours... il n'y avait rien à espérer d'eux, rien. » (p. 34) Finis les beaux rêves d'une vie différente. En quelques années, elle est mère plusieurs fois. Après elle, ce sont deux de ses enfants dont le récit suit alternativement le point de vue. Jules est prêt à tout pour l'étrange femme dont il est amoureux, Maureen veut tout faire pour échapper à la pauvreté laborieuse et triste à laquelle son milieu la destine. « Qu'est-ce que tous ces gens et toutes ces choses faisaient ensemble ? Que lui voulaient-ils ? » (p. 117) Dans le Détroit des années 1930 à 1970, on suit ces personnages accablés par la fatalité et la violence de l'existence. le manque d'argent et le désir de sécurité sont des obsessions qui poussent les personnages aux dernières extrémités. le quotidien est forcément sordide et tout ce qui sort de l'ordinaire est dangereux, voire mortel. « Quand on souffre de la façon dont j'ai souffert, on n'en tire aucune leçon ; ça ne vous apprend rien, et ça ne vous rend pas meilleure : cela ne fait que vous briser totalement... » (p. 460)

Le titre désigne avant tout la famille à laquelle on est bien obligé d'appartenir par le sang, mais dont on voudrait se défaire, et tous les autres ensembles dont on rejette les valeurs, les comportements ou la différence. Ce pronom marque toute la distance que chaque protagoniste essaie de mettre en lui et les autres. Il souligne le sentiment de non-appartenance à un groupe qui semble indistinct et le désir violent de s'en démarquer. « Quelque chose en lui aspirait à ce genre de vie, fatale, marginale, enchanteresse. » (p. 104) Et pourtant, les années passant, il faut bien admettre qu'on est comme eux, qu'on est eux. La désillusion est toujours douloureuse, car il est bien difficile d'être unique. le grand drame de cette famille est l'impossibilité de communiquer : si ce ne sont pas des cris, c'est un mutisme rageur ou des claques qui résonnent, ne laissant aucune place à la sincérité et à la découverte de l'autre. « Il m'a appris tout ce que j'ai besoin de savoir sur le silence. » (p. 151) À la longue, cela devient un mode de fonctionnement par défaut, et le silence fait place à la méfiance la plus totale. « J'en suis arrivé à la conclusion qu'on est tous seuls, chacun de nous. » (p. 333)

Pour écrire son troisième roman et premier succès, l'autrice s'est inspirée de l'histoire d'une de ses anciennes étudiantes et des lettres que celle-ci lui a adressées, comme cela est repris dans le récit. « Est-il insultant de dire que je vous écris parce qu'il y a quelque chose qui me ressemble en vous ? » (p. 349) Joyce Carol Oates explore déjà des sujets qui traversent toute son oeuvre gigantesque, comme la souffrance des femmes, notamment la dépression, si mal identifiée et tabou pendant des décennies, et qui a fait tant de dégâts dans les foyers américains. « Une femme ne grandit que pour recevoir tous les emmerdements possibles des hommes ; après quoi, elle s'écroule, c'est comme ça. » (p. 236) Eux est le troisième opus de la Tétralogie du Pays des merveilles dont il faut impérativement et rapidement que je découvre les autres titres. Il est un des romans les plus forts que j'ai lus de cette autrice que je vous invite chaudement à découvrir !
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
Une femme ressemble à un rêve. Sa vie est un rêve consacré à l’attente. Je veux dire qu’elle vit dans un rêve, attendant un homme. Il n’existe aucune façon d’en sortir ; si insultant que ce soit, aucune femme ne peut y échapper. Sa vie, c’est d’attendre un homme. C’est tout. Il y a une porte dans ce rêve, et il lui faut la passer. Elle n’a pas le choix. Tôt ou tard, il lui faut ouvrir cette porte, la passer pour arriver à un homme en particulier, un homme, un seul. Elle n’a aucun choix dans l’affaire. Elle peut prendre n’importe qui, mais elle n’a aucun choix là-dessus. Voilà ce que je pense.
- Tu le penses vraiment ?
- Oui
- N’est-ce pas exagéré ?
- Cet homme ce n’est pas toi, exactement. J’ai besoin de toi, pour me sentir encore en vie. J’ai besoin de toi, pour moi-même, pour ma vie. J’ai besoin de t’aimer.
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Je ne devrais pas vous le dire, car vous pourriez me croire folle. Mais j’ai parfois le sentiment… le sentiment que je pourrais mourir, tant je vois de solitude. Mais je ne veux personne autour de moi. Je crois que rien ne changera jamais, que ma vie va continuer ainsi. Je pense qu’un jour, quelqu’un pourrait m’attendre dans l’entrée, quand je rentrerai. C’est de la folie. Je le sais bien. Mais il me semble que je ne peux continuer ainsi, s’il n’y a pas de promesse de quelque chose de mieux. D’une nouvelle vie. Il faut bien qu’il y ait davantage pour moi que cela, mais il faut bien que je l’accomplisse moi-même. Il faut que je le provoque moi-même.
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Il n'était pas bien qu'un homme vive, meure et ne se résume à rien, qu'il soit oublié, que son propre fils soit incapable de se le rappeler véritablement - cela ne lui semblait pas juste.
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… elle était une sorte d’oasis pour son esprit. Qu’y avait-il donc chez les filles, chez les femmes, pour qu’on se laisse aller aux pensées comme on se laisse aller dans leurs bras, abandonnant tout, suffoquant, plongeant dans une mort douce et ardente ?

(Points, p.343)
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Loretta n'écoutant qu'à moitié , avait l'impression que toutes les filles, toutes les femmes qu'elle connaissait avaient des fleuves de mots à répandre en elle, et elle aussi se sentait soulevée par une grande pression de mots, de paroles, de bavardages, de gestes d'excitation, comme un gigantesque battement de cœur qui les rapprochait toutes en quelque sorte - toutes les femmes ; les hommes étaient éternellement silencieux.
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Vidéo de Joyce Carol Oates
Après seize ans de négociations, le réalisateur Stig Björkman a convaincu Joyce Carol Oates, 85 ans, de lui ouvrir les portes de son univers. Portrait sensible de l’immense romancière, inlassable exploratrice de la psyché noire de l'Amérique.
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