-Oh, mon maître pourrait faire quelque chose de grand avec toi, mon garçon ! Il pourrait te forger en une arme qui irait frapper les ennemis de l'Islam de terreur, de l'intérieur comme de l'extérieur. Il pourrait te donner un but tel que tu n'en as jamais rêvé.
-Qui est ton maître ?
-Un jeune shaykh issu d'une illustre lignée, et qui habite au sommet d'une montagne près des rives de la mer Caspienne...
Comme tout bon Égyptien, Assad avait appris dans son enfance que le Nil était la jugulaire de l’Afrique, qui apportait le limon noir nourricier depuis le cœur du pays jusqu’à sa tête. Au sud, le Nil était une bande fertile, une oasis longue et étroite bordée de chaque côté par des escarpements et le désert implacable. Au nord, le fleuve s’évasait en six affluents qui venaient alimenter les lacs et les zones marécageuses du delta avant de se jeter dans les eaux claires de la Méditerranée. Le Caire se trouvait là où le nord rencontrait le sud, au point de confluence.
Là où un homme ne voit que l’impossible, un autre n’y verra peut-être qu’un défi.
« Deviens avare en paroles et tu n’auras pas à t’inquiéter ».
La rage de l'Assassin submergea sa douleur, lui offrant un instant de lucidité absolue. Les rumeurs au sujet de la cruauté de Baber Khan, de sa folle témérité, du pacte que les chefs de son clan avaient conclu avec les djinns des montagnes, tout cela prenait désormais sens. Ce ne pouvait être que le salawar. Il n’aurait su dire par quels arts diaboliques, mais la morsure de l'arme emplissait sa tête de visions, des scènes de carnage, de massacre, de trahisons, aussi anciennes que sanglantes. La lame l'appelait...
Là où son père ne voyait rien d’autre en toi qu’un bras armé, il prétend percevoir quelque chose de plus. Un homme capable, un homme en qui il a confiance pour mener à bien une mission délicate.
La vieillesse atrophie bien plus que les muscles et les os… Elle crée le chaos dans les souvenirs.
Mais c’est un homme avant tout, mon cher, et les hommes sont mon domaine, pas le tien. Je les connais mieux qu’ils se connaissent eux-mêmes. Deux choses seulement leur importent : leur virilité et leur fierté. Caresse l’une ou l’autre et il te considérera avec beaucoup d’égards, mais si tu caresses les deux… Ah, si tu parviens à faire cela, alors il n’est aucun secret qu’il ne serait prêt à divulguer, qu’il ne serait prêt à trahir.