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Critique de visages


Plus encore que dans ses autres romans,Yoko Ogawa transgresse les lois du réel pour inscrire le lecteur dans un monde parallèle gràce à sa poésie,ses métaphores,ses créations oniriques.Cette distorsion de la réalité peut faire penser à certains moments à H.Murakami, mais ce qui l'en distingue fondamentalement c'est que ses personnages sont sacrifiés à la folie maternelle et n'ont pas d'autre choix pour survivre que de s'inventer un monde imaginaire, alors que ceux d'H.Murakami sont pleinement conscients et acteurs de leur quête.
Ici, trois enfants,après le decés de leur"benjamine",vont devoir vivre dans le microcosme imposé par leur mère ,qui les contraint et les contient.Ils doivent s'effacer et devenir des êtres aussi improbables que leurs rêves.Tout d'abord en abandonnant à tout jamais leur nom,puis en maîtrisant le filet de leur voix jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'un murmure audible d'eux seuls. Cet enfermement est justifié par leur mère par la terreur qu'elle fait régner en ce qui concerne l'exterieur au mur qui cloisonne la maison et le jardin qui constitue leur univers.Ce danger est symbolisé par " le chien maléfique" sensé être coupable de la mort de leur petite soeur.Pour faire partie de l'humanité,instinctivement ces enfants vont se réapproprier des extraits des encyclopédies paternelles et appréhender le monde de cette façon.Mais ces encyclopedies vont aussi devenir le lieu d'expression de la benjamine ,à travers les dessins qu'Ambre,un des enfants,va inscrire dans les marges. "Instantanés" qu'il perçoit dans son oeil gauche,manifestations de la petite soeur qui y vit...Cadeau suprême pour leur mère mais élan vital pour lui et sa fratrie:"Nous ne pouvons vivre ailleurs que dans ces encyclopedies", "...le lit du cours du temps dont chaque strate révèle un souvenir enfoui."
Ainsi,extraordinairement,leur imaginaire est d'autant plus en expansion que leur univers se restreint à la folie maternelle. Cette dernière, à l'opposé de celle décrite par O.Bourdeaut dans" En attendant Bojangle,"qui entraîne son mari et son fils dans un tourbillon de joie et d'amour fracassants, vient rétrécir l'existence de ses enfants en une peau de chagrin dépourvue d'attention et d'amour.
C'est un roman déroutant,au rytme lent et redondant qui m'a nécessité un effort de lecture pour m'extraire du jugement moral et accepter de m'immerger moi aussi dans ce temps dépourvu d'avenir.La beauté de la plume de Yogo Ogawa est indéniablement ce qui m'a porté jusqu'à la dernière page.
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