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Critique de Osmanthe


Ce recueil comporte deux nouvelles des premières années d'écriture de Yoko Ogawa. C'est un livre de qualité honnête, qui illustre déjà les ambiances qu'elle ne cesse d'explorer depuis, teintées d'étrangeté, entre rêve et réalité, mettant en exergue un des sens (par une faiblesse, une absence, ou une extra-sensibilité) de son personnage principal, qui est neuf fois sur dix une femme narratrice de l'histoire.

Dans le réfectoire un soir et une piscine sous la pluie, la narratrice va se marier, elle vient d'emménager dans un nouvel appartement. Elle est en plein déballage de cartons quand sonnent à sa porte un homme et son fils, dégoulinant d'eau, douchés par la pluie. En promenant son chien, elle va les revoir quelques jours plus tard en pleine contemplation fascinée, à travers les vastes surfaces vitrées, d'un réfectoire de cantine scolaire et de sa curieuse machinerie en route. Alors que son promis n'est pas très présent (le couple fait usage du télégramme pour échanger), elle reçoit un jour un télégramme, un simple « bonsoir ». C'est comme un petit plaisir qui rompt l'ennui. Elle va les revoir encore une fois dans la même contemplation, et écouter les explications de cet homme sur ses motivations à venir sur ce lieu de recueillement pour le moins insolite. Une belle nouvelle qui met en lumière les comportements parfois étranges que fabrique notre cerveau d'adulte en convoquant nos souvenirs, nos peurs, nos névroses et traumatismes de l'enfance, dans une atmosphère mélancolique qui trahit une grande solitude intérieure des personnages, un peu atténuée par la double innocence complice d'un enfant et d'un chien.

Dans un thé qui ne refroidit pas, la narratrice est aussi une jeune femme, qui apprend la mort d'un ancien élève de sa classe d'école primaire, connu dix ans plus tôt. Elle rencontre à la veillée funèbre un de leurs condisciples, qu'elle nomme K. Elle prend conscience de la mort. Elle sent bien aussi que son couple avec son ami Sato ne tourne pas tellement bien. le lecteur se demande si elle n'aurait pas eu avant une attirance pour K., et si elle n'est pas en train de réapparaître à la faveur de ces retrouvailles fortuites. Mais K. est en couple. Il va l'inviter, elle va être le témoin admiratif de la grande beauté de sa femme, et de l'immense harmonie de leur couple, un couple romantique. Et cette femme un peu plus âgée que son ami n'était autre que la bibliothécaire de l'école, dont K. s'était entiché. Mais pourquoi n'y travaille-t-elle plus ? La narratrice se souvient d'avoir oublié d'y rendre un livre, qu'elle a gardé depuis dix ans ! C'est l'occasion de s'y rendre pour percer ce mystère…Elle va y apprendre qu'un drame s'y est produit il y a quelques années… Là encore, l'atmosphère est propice à la libération des sens. Ambiance vaporeuse et subtile, où quelque chose semble s'être déréglé dans l'écoulement du temps, où le symbolisme d'une plante a valeur de sous-entendu, presque d'allégorie du poison psychologique qui ronge de l'intérieur la belle bibliothécaire.

Si ces nouvelles de jeunesse ne constituent pas le summum de la production de l'auteure, elles sont intéressantes, car déjà imprégnées de l'atmosphère que j'aime chez Ogawa. L'importance des objets qui semblent souvent animés, l'impression d'anomalie dans l'écoulement du temps, une certaine mélancolie de personnages à la personnalité étrange, qui ressentent une forme de solitude intérieure, cachant une faille, un secret…
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