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Critique de VincentGloeckler


En Islande, il y a, bien sûr, quelques poids lourds du polar nordique, et puis, écriture de glace et de feu, gourmandise d'ingénuité et de poésie, la voix malicieuse des contes d'Audur Ava Ólafsdóttir, qui, de Rosa Candida à le rouge vif de la rhubarbe, n'aura cessé de nous émouvoir avec son réalisme magique, cet art de dire le réel avec la finesse des images. Elle revient aujourd'hui avec la traduction de ce Miss Islande, bel hommage à la difficile conquête de la liberté et du respect de sa dignité, quand on est une femme, une artiste, ou un homosexuel. Dans un récit morcelé en courts chapitres, dont la structure (comme le dit à un moment un éditeur à Hekla, la narratrice, lorsqu'elle revient chercher l'un de ses manuscrits, si bien que l'on voit dans ce passage une mise en abyme, le lieu où l'auteure et son personnage s'identifient, où leurs oeuvres se superposent) « fait penser à une toile d'araignée », à un « maillage » plutôt qu'à un « fil narratif », elle évoque la construction de quatre destins, en quête de reconnaissance et de bonheur, dans l'Islande des années soixante. Hekla, la protagoniste, à laquelle son père a donné le nom d'un volcan, quitte à vingt et un ans son village natal pour gagner la capitale, y trouver du travail et l'indépendance nécessaire pour mener son travail d'écrivaine, poétesse et romancière. Mais arrivée à Reykjavik, elle découvre une société dominée par les hommes, ces mâles qui n'hésitent pas à tripoter les serveuses et la verraient bien concourir pour le titre de Miss Islande plutôt que de perdre son temps à écrire. Elle y retrouve aussi pourtant son amie d'enfance, Isey, qui s'évade d'une vie conjugale bien rangée et promise à nombreuse progéniture en écrivant ce qu'elle entend (« ce qui se dit » et, surtout, « ce qui ne se dit pas »), et son premier amour, son ami Jón John, qui dessine des robes entre deux campagnes de pêche en mer, et qui préfère les hommes, dans un pays et une époque où c'était encore un délit et valait d'incessantes tracasseries policières. Rencontrant Starkadur, un poète sans oeuvre qui l'introduit dans le petit monde des lettres de la capitale, Hekla accomplit alors le destin sentimental que lui a prédit Isey (« Je vois deux hommes… Tu en aimes un et tu couches avec l'autre ») et lutte pour arriver à se faire publier. Mais elle finit par s'exiler au Danemark, y rejoignant Jón John, lui-même en quête d'une terre où vivre plus librement sa différence… Un texte formidable, avec son mélange de gravité et d'humour, dont la fin, surprenante, donne encore davantage à la volcanique Hekla (bel écho homonymique en français que ce prénom) la stature d'une héroïne de la liberté, portant les désirs d'émancipation des femmes, et, en particulier, des écrivaines ! Un thème, finalement, toujours bien actuel, non ?
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