A la fenêtre, elle y va mille fois par jour, dit sa fille. Pour elle, la fenêtre est quelque chose comme la scène pour un critique dramatique, je ne sais pas si je me fais bien comprendre.
En Italie, nous sommes tous des extrémistes, par prudence.
La via Giacomo Watt est une rue de la périphérie sud-ouest de Milan, parallèle au Naviglio Grande. L'unique chose digne d'être notée est la présence de deux rangées de réverbères peints en vert, seule nouveauté de cette zone désolée. Elle ne s'anime qu'à heure fixe, quand quelques dizaines d'ouvriers entrent ou sortent des entrepôts. Le reste de la journée, surtout l'hiver, par la pluie ou le brouillard, la via Watt rappelle certaines rues de province américaine qui servaient au temps du cinéma muet pour terminer un film sur l'image évanescente d'un homme et d'un chien, d'un homme et d'un orphelin, ou d'un orphelin et d'un chien.
Quand on devient chef de la Mobiel d'une ville comme Milan, on n'est pas un crétin, pensa Ambrosio ; peut-être un salopard mais pas un crétin.
En somme, elle menait une vie si normale que, rétrospectivement, ça paraît suspect.