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Critique de afriqueah


Le premier amourVéronique Olmi

Pour ses 25 ans de mariage, elle soigne la future fête , même si elle préfèrerait être à la place de son mari, travailler, lui faire la fleur de ne pas arriver trop tard pour mettre les pieds sous la table: enfin, bref, elle passe sa journée à préparer le logis douillet: bougies, draps de soie ( qui se déchireront la première fois où ils auront oublié de se couper les ongles de pied) musiques jazz puis la Callas pour l'étreinte assurée, guêpière sexy sous une robe en mousseline bleue, hauts talons qu'elle a bien l'intention de garder pendant l'amour, pour érotiser, l'épaule d'agneau dans le four .
Et un Pommard, enroulé dans une feuille de journal.
Une petite annonce.
Qu'elle lit.
« Emilie. Aix 1976. Rejoins-moi au plus vite. Dario. »
Elle sort, en guêpière, éteins four et bougies. Ses souvenirs se pressent sur l'autoroute : Dario, d'abord, son premier amour, adoré de toutes les filles, sa soeur, qui a un gêne en trop et qu'elle a essayé d'épauler, ses parents, chrétiens petit esprit, sa tante Suzanne, qui toute jeune a vu les voisins descendre, une valise à la main, en pleine nuit, parce qu'ils sont juifs. Suzanne ne comprend pas mais elle ressent la violence oppressante « que dans ce qu'elle ne comprenait pas, il y avait le pire ».

Emilie vole vers son premier amour, et se remémore en cours de route ses émois d'adolescente, ses rêves sans rapport avec les futilités de son père « je lui ai pas envoyé dire tu me connais la tête qu'il a fait t'aurais vu ça » et de sa mère « je crois quand même que je n'ai pas assez salé la blanquette, ne mets pas le pain à l'envers », le mépris des professeurs révulsés de constater l' ignorance de ces élèves incultes, le passé des années 50, et le rêve réalisé d'une relation rare, souveraine, cachée de tous, avec Dario. Son sourire.
Elle court, elle vole vers ce Dario, et prend le temps aussi de faire des rencontres, comme si elle avait besoin de grandir dans le souvenir ravivé de ce premier amour. Ses filles se proclamant arbitres de leur vie « comme si nous avions attendu leur naissance pour faire les camps et décider des règles. », prennent parti pour le père laissé sans explication le soir des 25 ans de mariage.
Au delà de l'histoire, extrêmement émouvante par sa vérité, j'ai aimé l'analyse des relations avec les parents, vraiment petits, avec sa soeur trisomique, à qui elle parle de Moshe Mike Brant, au grand dam des parents (comment, tu lui as dit qu'il était juif ? ), l'ouverture souvent faite sur le monde tel qu'il a été, et, bien sûr , ne nous mentons pas, l'histoire d'amour. (subtile)
Elle a peur tout de même, Emilie, d'aller revoir Dario, le passé rend le présent faux et irréel, de la même façon que la confrontation avec ses vieux parents, qui ont oublié les prénoms de ses filles mais se désolent qu'elle ne soient pas mariées révèle le fossé entre deux mondes « que je ne sois pas grand mère à mon âge, cela tardait, on prenait un sacré retard sur les convenances, on changeait de cap. On trahissait le clan en en enfreignant les règles les plus élémentaires. »

Livre entièrement subtil, dont chaque page recèle ces phrases qui marquent, sans pour autant être travaillées et tordues.
La vérité.
Découverte de Véronique Olmi, je vais continuer, à la lire, son écriture correspond à l'idée que je me fais de l'adolescence retrouvée, de sa persistance, de son authenticité.
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