Citations sur Cosmos (233)
Dans la logique du haïku, la vie n'est donc pas séparée de l'écriture, puisque la première nourrit la seconde et que les deux vivent l'une de l'autre. Ecrire, c'est vivre et vivre c'est écrire, car il faut vivre pour écrire. La pratique de cette forme brève exige une longue et attentive présence au monde. Le corps doit être sans cesse aux aguets de ce qui advient pour en saisir les fines pointes. Le poète recueille des diamants - si l'on se souvient que ces gemmes cristallisent des forces, des pressions, des densités accumulées, figées, fixées, concentrées et restituées sous formes géologiques.
Les auteurs de haïkus ne sont pas des fonctionnaires du vers, ni des intellectuels dévots du logos.[…] Pour eux , écrire c’est vivre, et vice versa. Le poème n’est pas une prouesse cérébrale, mais la trace d’une expérience vécue qui nécessite une présence acérée au monde. Elle suppose une quête des épiphanies qui le constituent, une recherche des pointes fines du monde. Leurs recueils n’éloignent pas du monde, ils y conduisent pour nous y ramener plus riches de lui.
L’écriture du haïku est un exercice spirituel apparenté à ceux des philosophes antiques.
Pour les hommes on parle de psychologie ; pour les animaux, d’éthologie. Mais il s’agit de deux façons de dire un même univers.
(pour les tsiganes) il n’est pas question d’un arrière-monde, ce qui, pour moi, définit toute religion, mais d’un ici-bas, ce qui, à mes yeux, définit une philosophie, une ontologie, une sagesse.
Pas de ciel tsigane remplit d’anges, d’archanges, de trônes, de séraphins et autres créatures de la déraison pure, mais un ciel saturé d’étoiles la nuit et habité par la course du soleil le jour.
Le ciel des brouillards et des brumes, des temps couverts et des azurs sidérants, des arcs-en-ciel et des aurores orangées. Pas de punition chez ce peuple libertaire, pas de châtiments, d’expiation, de damnation, de pénitence dans cette civilisation du hérisson.
On commande bien à la nature quand on lui obéit.
Les pères de l’Eglise affirment : « Aucun des animaux sans raison ne possède un notion de Dieu » (IV. 96). Cette assertion ne manque pas de piquant philosophique, car elle est un genre de preuve que Dieu est une création de la raison…
Les grands fonds sous-marins conservent leur mystère et l'homme qui a marché sur la lune est plus ignorant de la faune et de la flore des abysses que la planète la plus proche de celle sur laquelle il vit.
Devant la tombe ouverte de mon père et face au cercueil posé sur la dalle de béton (je regrette le temps du corps posé à même la terre pour s'y fondre, s'y défaire, s'y décomposer) du caveau familial, il m'a fallu envisager concrètement ce qu'une stupide expression nomme faire son deuil.
Faire son lit, faire les courses, faire la vaisselle, faire le marché, faire le ménage, faire la cuisine, certes ; mais faire son deuil ! On ne fait jamais son deuil, on survit, parce qu'il le faut, parce que c'est dans l'ordre des choses de perdre un vieux père ; ou bien par faiblesse quand il s'agit d'une compagne trop jeune partie et que, travaillé par l'idée, on n'a pas eu le courage de la rejoindre dans le néant juste après avoir mis de l'ordre dans ses affaires. On continue alors à vivre comme continue à courir le poulet auquel on a coupé le cou, par habitude, par réflexe ; on survit mécaniquement ; on dit oui par manque de force de dire non ; on fait avec ; on compose pendant que l'autre se décompose et l'on se reproche de composer, tant ce avec quoi composer apparaît futile, dérisoire, insignifiant.
Le land Art renoue avec le chamanisme des origines préhistoriques. Cet art rematérialise le monde et compose avec lui.
Faire son lit, faire les courses, faire la vaisselle, faire le marché, faire le ménage, faire la cuisine, certes ; mais faire son deuil ! On ne fait pas son deuil, on survit, parce qu'il le faut, parce que c'est dans l'ordre des choses de perdre un vieux père ; oui bien par faiblesse quand il s'agit d'une compagne trop jeune partie et que, travaillé par l'idée, on n'a pas eu le courage de la rejoindre dans le néant après avoir mis de l'ordre dans ses affaires. On continue alors à vivre comme on continue à courir on survit mécaniquement ; on dit oui par manque de force de dire non ; on fait avec ; on compose pendant que l'autre décompose et l'on se reproche de composer, tant ce avec quoi on doit composer apparaît futile, dérisoire, insignifiant.