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Critique de Emnia


L'histoire d'un groupe d'adolescents au bord de l'asphyxie dans une ville à l'horizon bouché, où tout le métal paraît rouillé, où le ciel pèse comme un couvercle.

(Cette critique vaut pour l'ensemble de la série.)

Kasuga lit les Fleurs du Mal en permanence. C'est une lecture obsessionnelle ; l'ouvrage ne le quitte jamais. Il se tient à l'écart, a des amis sans vraiment en avoir, préfère la compagnie des mots. Un jour, il vole la tenue de sport de Saeki dont il est secrètement amoureux. Il ne pensait pas à mal. Il ne pensait pas vraiment d'ailleurs, se contentant de suivre une impulsion et regrettant presque aussitôt son geste. Nakamura, témoin du vol, en profite pour le faire chanter et le contraindre jusqu'à l'humiliation à une obéissance absolue.

Oshimi traite ici avec une justesse incroyable du mal-être adolescent. Il ne juge pas, il montre et réfléchit. Les thèmes abordés sont multiples et brutaux : violence scolaire, humiliation, sadomasochisme, viol, suicide... L'auteur s'interroge à travers ceux-ci de façon intelligente sur les notions de différence, déviance ou perversion, sans facilités ou « fan service » agaçant. Symbole de cette violence, de cette noirceur intérieure qui s'agite, déborde, se répand, qu'on essaie de nier, puis qu'avec peine on canalise, une fleur énorme, noire, ponctue les pages du manga, donnant lieu à des pleines et doubles pages somptueuses. Cette fleur, Oshimi l'a empruntée aux noirs d'Odilon Redon en s'inspirant de « L'Oeil comme un ballon bizarre se dirige vers l'infini » ou de "Il y eut peut-être une vision première essayée dans la fleur".

De part et d'autre du protagoniste, l'auteur a placé deux figures féminines antagonistes et antithétiques. D'un côté Nakamura, qui se laisse aller à sa violence, l'assume, s'en pare comme d'une fierté, et avec laquelle Kasuga se liera d'amitié à coups de dents et de griffes, comme avec un animal sauvage ; de l'autre, Saeki, première de la classe, aimée de tous, mais qui pourrait bien dissimuler un monstre sous ses airs de jeune fille sage. Les jeux malsains qui vont s'établir entre les membres de ce trio les conduiront à une rapide descente aux enfers. Oshimi n'arrête pas là son récit et, dans une seconde partie, évoque la lente et difficile reconstruction de ses personnages. Il les fait évoluer, mûrir. On pourrait reprocher, peut-être, le manque de force de cette seconde partie, qui semble pâlotte comparée aux excès, aux démences de la première, mais elle est une conclusion nécessaire dans laquelle l'auteur, en faisant de la lecture une part essentielle de la rédemption du protagoniste, donne, à l'instar de Neil Gaiman, un très beau plaidoyer en faveur du livre.

Le manga a donné lieu a une adaptation en anime très réussie qui couvre les premiers tomes de la série. La technique de la rotoscopie, utilisée pour sa réalisation, si elle a pu déstabiliser certains fans, déçus de ne pas retrouver à l'écran les visages des protagonistes, était un reflet particulièrement adroit de la volonté de réalisme du mangaka.

La récente publication en français de Dans l'intimité de Marie laisse espérer une publication prochaine d'une traduction française d'Aku no Hana. Espérons que les traducteurs sauront faire preuve d'inventivité pour transcrire en français le vocabulaire fleuri de Nakamura, en particulier son sempiternel « shitbug », que le traducteur anglais avait traduit littéralement du japonais, et qui en VO remplissait la bulle en couverture du premier volume.

Lien : https://mahautdavenel.wordpr..
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