Rien de tel : personne ne m'a trompée, personne ne m'a tentée, j'ai agi de mon propre gré. J'ai vu un homme courir à sa perte. Si je ne le secourais pas immédiatement, il risquait le déshonneur et allait peut-être au suicide. Ce n'était pas le moment de réfléchir : il fallait l'aider, le sauver, lui donner tout ce que j'avais sous la main.
J'ai passé ma jeunesse sans amour, sans rien d'autre que le besoin d'aimer, je me suis imposé une conduite modeste, je ne demande rien à personne. C'est d'un coeur lourd que je me suis interdit de vouloir me sentir aimée, même en rêve. Or je suis une femme, pour moi, l'amour est mon droit. Croyez-vous qu'il soit facile de lutter contre sa nature ? Pourtant, je l'ai fait, je me suis vaincue, à ma manière, j'ai trouvé la paix et le bonheur. Etait-il honnête de réveiller mes sentiments ? Il a suffi d'une simple allusion de votre part pour faire resurgir mes songes, mes espoirs et aussi ma soif d'amour et de sacrifice... C'est un amour tardif, voyez-vous, peut-être le dernier. Vous savez de quoi un tel amour est capable... et vous en riez.
Au revoir, mon âme. voilà les clés. Si tu sors, emporte-les avec toi, ne les laisse pas ici. il y a des effets dans mon tiroir, et je ne fais confiance à personne. Nous sommes dans un pays de crève-la-faim, les gens vivent au jour le jour du quignon de pain qu'ils ont pu arracher. On dit qu'un noyé s'accroche à un fétu de paille, un affamé, c'est à tout ce qui traîne. Ils déroberaient n'importe quoi pour le revendre. E les petits malins en profitent. Tu veux faire de quelqu'un un faussaire, un criminel, tu veux acheter l'honneur d'une jeune fille ? Vas-y, achète ! Et pour pas cher ! Tu vois entrer chez toi un homme riche et bien vêtu ? Sache qu'il n'est pas là pour la bonne cause : il cherche une conscience ou un honneur à vendre.