La cabane était en retrait de la ligne des palmiers nains qui constellaient les bancs de sable jusqu'à un chapelet de lagunes vertes et, dans le lointain, jusqu'au marais. Des kilomètres d'herbes coupantes si résistantes qu'elles poussaient même dans l'eau salée, interrompus seulement par des arbres si courbés qu'ils semblaient porter la trace du vent.
Chargée de sel, la brise venue de la mer amenait le chant des mouettes et des goëlands en se faufilant à travers les arbres.
La nature semblait le seul galet qui ne se déroberait plus sous ses pas quand elle traverserait un ruisseau.
C’était sans doute une région ingrate, mais pas un pouce n’en était stérile. Des strates de vie – crabes-fantômes tarabiscotés, écrevisses claudiquant dans la boue, gibier d’eau, poisson, crevettes, huîtres, cerfs replets et oies dodues – se presser sur la terre et dans l’eau. Ceux qui ne rechignaient pas à fouiller la boue pour se nourrir ne risquaient pas de mourir de faim.
Au moindre piaillement d’un tamia, elle se retournait, et tendait l’oreille au croassement des corneilles – une langue d’avant les mots, quand la communication était encore simple et claire – et, où qu’elle aille, elle avait déjà en tête un chemin pour s'enfuir.
La solitude se fit plus lourde qu'elle n'en pouvait supporter. Elle rêvait d'entendre la voix, de sentir la présence ou la main de quelqu'un, mais surtout elle aurait voulu protéger son coeur.
Les feuilles d'automne ne tombent pas, elles volent. Elles prennent leur temps, errent un moment, car c'est leur seule chance de jamais s'élever dans les airs. Reflétant la lumière du soleil, elles toubillonnèrent, voguèrent et voletèrent dans les courants.
Les colombes entre elles se battent aussi souvent que les faucons.
Un marais n’est pas un marécage. Le marais, c’est un espace de lumière, où l’herbe pousse dans l’eau, et l’eau se déverse dans le ciel. Des ruisseaux paresseux charrient le disque du soleil jusqu’à la mer, et des échassiers s’en envolent avec une grâce inattendue – comme s’ils n’étaient pas faits pour rejoindre les airs – dans le vacarme d’un millier d’oies des neiges.
Les visages changent avec les épreuves de la vie, mais les yeux demeurent une fenêtre ouverte sur le passé, et elle y reconnaissait son frère.