- Je te séduirais avec toute la grâce et toute la courtoisie qui te sont dues.
- Guion affirme ignorer quels sont les plans du régent en Akielos.
Paschal posa ses yeux bruns pleins de franchise sur lui.
- Tous les Vérétiens savent ce que le régent prévoit de faire en Akielos.
- Et de quoi s'agit-il ?
- Gouverner, répondit le médecin.
- Debout, ordonna Damen. Tenez-vous droit, comme les hommes que vous croyez être.
Du fait qu'il lui était impossible de simplement fourrer Jokaste dans un sac pour la transporter en territoire ennemi à dos de cheval, l'organisation du voyage posa quelques défis logistiques.
Tout gagner et tout perdre en une fraction de seconde. Tel est le destin de tout prince destiné au trône.
Damen se rappelait fort bien le sentiment que l’on éprouvait à être contraint de se plier à la volonté de Laurent. Le prince n’avait jamais eu besoin de recourir à la violence pour obliger un homme à plier devant lui, et il n’avait pas davantage besoin que les hommes l’apprécient pour les manipuler à sa guise. Il parvenait toujours à ses fins, car ceux qui essayaient de lui résister finissaient irrémédiablement par se rendre compte, une fois englués dans les pièges si innocents du jeune homme, qu’ils étaient impuissants face à lui.
De fait, seuls les Akieloniens se rebellaient sous cape. Les soldats de Laurent avaient déjà avalé la couleuvre. À vrai dire, quand ils en parlaient entre eux, ces derniers avaient à propos de leur souverain sensiblement le même avis qu’avant : le prince était de glace, un véritable cœur de pierre. Sauf qu’ils savaient à présent qu’il était capable d’aller jusqu’à baiser l’assassin de son frère.
Laurent avait toujours su faire preuve d’un pragmatisme impitoyable. Il était capable de faire abstraction de ses émotions et faire ce qui était nécessaire pour gagner, tout cela avec une aptitude stupéfiante et écœurante à se déshumaniser.
Quelle joie ce doit être de faire écarter les cuisses au prince de Vère ! Un homme exécrable, mais cela ne se voit pas par-derrière.
Plus tard, il porterait le deuil, pour l'homme que fut Kastor, celui qu'il aurait pu devenir, et pour tous ces chemins qu'il n'avait pas empruntés dans la vie.
Car Laurent n'était pas Auguste, et son erreur était en réalité une feinte.