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Critique de nadejda


Plutôt que « L'homme qui aimait les chiens» on pourrait dire les hommes qui aimaient les chiens car les protagonistes principaux de ce roman sont tous reliés, entre autre, par leur amour des chiens, et cet amour est un point d'ancrage pour leurs vies errantes, leurs vies volées et éclatées. Il leur permet de rester fidèles à eux-même, de garder un peu de leur âme.
« C'était la chronique même de l'avilissement d'un rêve et un témoignage sur l'un des crimes les plus abjects jamais commis, non seulement parce qu'il affectait le destin de Trotski, après tout concurrent de ce jeu pour le pouvoir et protagoniste de nombreuses atrocités historiques, mais aussi celui de millions de gens entraînés -- malgré eux, bien souvent sans que personne ne se souciât de leurs désirs -- par le ressac de l'histoire et la folie de leurs maîtres déguisés en bienfaiteurs, en messies, en élus, en héritiers de la nécessité historique et de la dialectique incontournable de la lutte des classes.» p 373
Cette réflexion que se fait Ivan, le narrateur cubain de cette longue histoire, résume bien ce que ce roman de Padura nous fait vivre, dans une démonstration et selon une construction sans faille. 

C'est dans un climat de peur où règnent le mensonge et la délation que tous ceux qui sont impliqués dans cette affaire vont voir leur vie et celle de leur proches détruites. La manipulation est reine et le manipulateur suprême est Staline qui perfectionne son oeuvre d'effacement de la mémoire. 

A travers la nasse mise en place, dès le début de l'exil de Trotski, qui se refermera lentement sur lui et sa famille, après que chaque maillon ait été forgé et soudé à un autre, nous revisitons l'histoire du XXème siècle où des millions d'êtres vont être broyés. L'idéal révolutionnaire qui a fait se soulever des millions de personnes a été détourné au profit du pouvoir bureaucratique et totalitaire d'un seul. Que ce soit ceux qui ont été tués comme opposants ou déclarés comme tels, ou ceux qui ont tué en se croyant justifiés par leur participation à l'avènement de ce rêve de société égalitaire, ils auront au final tous été cyniquement dupés, laminés après avoir perdu toute individualité. Et au-delà de la révolte et du dégoût que peut susciter ce gâchis on ne peut s'empêcher de ressentir une grande compassion devant tant de souffrance.

Comme Ivan le narrateur, qui s'efforce de rassembler tout ce que Jaime Lopez, l'homme aux deux Barzoï, rencontré sur la plage, lui a confié de la vie de Ramon Mercader l'assassin de Trotski, le lecteur va vouloir savoir, comprendre, tenter de découvrir et démêler le vrai du faux. Et Padura réussit à nous tenir en haleine au long des sept cents pages de ce roman qui, loin d'être rébarbatif devient de plus en plus passionnant. Une histoire aux multiples ramifications qui ne trouvera son épilogue tragique qu'en 2004.
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