"Je ne vous veux pas toutes les deux."
Non. Je ne peux pas l'entendre dire ça.
"Elle est la seule que tu peux avoir."
"Que je suis à toi."
Ses traits changent à peine et pourtant son visag s'illumine entièrement lorsqu'il me confirme avec fierté :
"Que tu es à moi."
"Ca ne change rien entre nous, Emily. Tu es toujours mienne."
« Je ne protège personne qui ne le mérite pas. C’était excessif. J’avais l’impression d’être dans une plus mauvaise situation que je ne l’étais vraiment. C’est tout. »
« C’est toi que je cherchais. »
Il y a comme une sorte d’affection dans son regard quand il soutient le mien, ses traits sont bien plus faciles à lire que ceux de Reeve ne l’ont jamais été, mais tout aussi difficiles pour moi à supporter, pour des raisons bien différentes.
Cet homme qui, il y a quelques instants à peine, était le mien,dorénavant, je n’en suis plus si sûre. Son visage est fermé et impossible à déchiffrer. Mais quand son regard croise le mien, j’ai l’impression que la pièce se met à tourner. Dans ses yeux, je lis un sombre mélange d’émotions si troubles et complexes que j’en deviens incapable de comprendre mon propre ressenti. Je ne peux que recevoir le sien. Et comprendre qu’il veut le partager avec moi. Même si l’étendue de tout ce que je lui ai caché est maintenant évidente.
Mon corps est présent, il exécute ces gestes automatiques qu’on accomplit quand on veut s’occuper d’un ami en détresse, mais ma tête nage en plein brouillard. L’odeur du sexe continue à me hanter, les orgasmes que Reeve m’a procurés résonnent encore en moi, doucement mais sûrement, comme les ondes d’un diapason qui s’étiolent.
Elle a réveillé la créature qui sommeillait en moi – une bête enracinée au plus profond de mon être avec un appétit charnel immodéré et un besoin éperdu d’être caressée alors qu’elle s’agenouillerait devant la personne qui la nourrirait.
D’un certain côté – mon côté tête de mule indépendante -, j’ai envie d’aller l’envoyer se faire foutre et me laver les mains de cet homme qui cherche à me dresser selon son bon plaisir.
Mais d’un autre, et ce côté-là est prédominant, j’ai envie de suivre ses règles. Je les aime d’autant plus qu’il m’est difficile de m’y soumettre. Lui faire plaisir n’est pas seulement satisfaisant – c’est une nécessité. J’en ai besoin pour trouver le bonheur, tout comme le sien dépend de mon obéissance.
Mais je me suis rebellée.
Un voile de honte vient de tomber sur ma belle humeur.
Il prend alors mon visage en coupe et attrape fermement mon menton. Il le relève pour planter mon regard dans le sien et me dit :
« Ne fais pas ça. Tout va bien. C’est pour ça que nous parlons.
-D’accord. »
Et avec ce simple avertissement, je comprends qu’il prend cette relation au sérieux, il veut que ça marche entre nous.
Cette prise de conscience fait monter d’un cran mes légers vertiges pour atteindre la plus parfaite des euphories, mais quelque chose retient mon excitation.
Les doigts de Reeve continuent à caresser mon ventre lorsqu’il me demande :
« Qu’est-ce qui t’empêche de combler mes attentes ?
-Tu le sais très bien… »