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Critique de colimasson


Dans chaque manifeste incertain, Frédéric Pajak fait découvrir un type qui vaut le détour et qu'on a souvent voulu oublier avec l'arrivée des jours modernes et l'injonction surmoïque de la société de consommation (« jouis ! »), un type un peu compliqué, un type solitaire, un type qui a été contraint de voir le monde dans son plus grand dénuement. Dans les précédents manifestes, ce type s'appelait Fernando Pessoa, ou bien Nietzsche, une fois encore Ezra Pound, et cette fois Gobineau. A côté de l'histoire biographique du personnage, Frédéric fait intervenir des touches d'histoire personnelle, d'autres moments retentissants de l'existence dans le dépaysement ou dans l'assommante habitude des jours. Jusqu'à ce que plus rien ne ressemble à rien, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que le son du vent, les visages des inconnus, des saveurs. Pour nous rappeler que tout finalement part de là, pour ramener l'oeuvre à sa source matérielle, pour faire taire les péroraisons de la raison poétique.


Pajak a le goût de la citation. Gobineau se laisse percevoir à travers ses errances, sa solitude, et l'étiolement progressif de ses illusions.


« La foi, en somme, ne m'est pas difficile du tout ; j'admets tout en principe et le plus surnaturel du surnaturel ne me fâche pas ; je trouve tout simple que la science et la raison n'y puissent mordre, et science et raison je les renvoie à leur cuisine. Mais la grande difficulté est, au fond, que cela m'est parfaitement égal. Toutes les vérités théologiques admises ou rejetées n'ont pas la moindre influence sur mon coeur, tout en pouvant en avoir beaucoup sur mon esprit. »


« Dans la vie, il y a l'amour, et puis le travail, et puis rien. »


Sa théorie raciale ne vise pas une pratique. Elle se fonde d'abord sur des croyances personnelles, que la vérité ne vient même pas confirmer puisque Gobineau s'éprend de Clémence Monnerot, une créole de Martinique. L'esseulement semble lui faire prendre conscience progressivement de l'inanité de toutes les théories. Seule la vie compte, et elle ne laisse pas beaucoup de traces dans l'esprit d'un homme. Frédéric se souvient : « Les rues vides sous le ciel vide. A peine quelques arbres sur la grande place ont-ils daigné frissonner dans l'épaisseur de l'air de l'été. Nous jouions dans la rue. Il y avait peu de voitures, des tracteurs, souvent. A quoi jouions-nous ? Je ne m'en souviens plus. »


Il règne dans ce livre un climat venteux. La vie s'y évanouit sans bruit et sans douleur. On se souvient de quelques petites choses, de vies tremblotantes, et c'est tout ce qu'il y a de plus étrange, de meilleur peut-être.
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