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Citations sur Petite laine (17)

comment c'est tellement simple d'aimer les personnes qui ne sont pas là.
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Avez-vous déjà eu une personne à vous toute seule ? Marie s'assoyait près de moi, son genou s'enfonçait dans ma cuisse, et elle n'était nulle part ailleurs. Elle était complètement avec moi. Elle avait des idées qu'elle ne partageait qu'avec moi. Elle avait des plans qu'elle n'échafaudait que dans l'air devant nous. Quand nous étions côte à côte.

Si vous avez déjà eu ça, vous savez que c'est très beau. Vous savez aussi que ça ne dure pas.
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Nous ne parlions pas beaucoup, mais c'est avec Marjo que nous avons voulu, pour la première fois, faire du tricot-graffiti. Nous étions assises l'une à côté de l'autre sur le divan, le drap qui le recouvrait avait glissé et les plis du tissu me chatouillaient le bas du dos […] énième erreur dans le foulard bleu sur lequel je travaillais très lentement et très péniblement […] encore au stade du carré, mon foulard, un carré raboteux que je voyais mal devenir quelque chose que j'aurais envie de […] dit à Marjo estie d'affaire laitte que je porterai jamais anyway et elle m'a répondu ben t'as juste à l'accrocher sur un poteau de téléphone, mettre de la joie dans le quartier avec tes mailles montées tout croche.

Je n'ai pas compris, mais elle m'a appris que ça se faisait déjà, le tricot-graffiti, qu'il y avait des gens qui tricotaient des manteaux de laine à des poignées de porte et à des supports à vélos, qu'à Montréal ils avaient même des collectifs, vous comprenez, des collectifs de tricot-graffiti, et c'était la chose la plus magnifiquement extraordinaire que j'avais jamais entendue. Je m'imaginais attendre l'autobus à côté d'un poteau enrubanné de laine, un matin de pluie fine […] tricot coloré, les couleurs lovées dans le matin gris, dans les visages gris des gens qui attendent la 801 en espérant avoir une place assise, qui se précipitent tous en même temps quand l'autobus se range le long du trottoir, ce rythme-là, les gens pressés autour de l'abribus et les voitures qui dans la rue ne respectent pas les limites de vitesse, cet impératif de rapidité alors que tout près, juste à côté, il y a sur le poteau un morceau de laine tricotée que j'aurais mis quatre heures et demie à terminer […] d'une absurdité délicieuse.
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Si Alexandra était là, elle trouverait, pas pour la première fois, que Zina et Marjolaine sont le miroir l'une de l,autre. Il y a certains détails qui accrochent : cette impression diffuse qu'elles ont eu à faire table rase, une fois, deux fois, trois ou quatre fois (qu'est-ce qu'on leur a déjà dit, à toutes les deux - ça prend neuf rechutes pour s'en sortir ?) et qu'elles y ont laissé de grands bouts de vie. Elles n'ont pas d'amis d'enfance, ne téléphonent jamais aux membres de leur famille, se limitent à des ambitions à très petite échelle, rien qui puisse ressembler à un avenir à long terme, et n'ont jamais, jamais d'argent. Toutes les deux s'obstinent à tout régler toutes seules, parce qu'il leur manque ce vernis de sécurité qu'ont Alexandra et Marie, le réseau qui se met en branle au moindre petit désastre occasionnel.
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On avait parlé de notre avenue, avec Marie et Zina, le premier soir. Marie et moi tout hésitantes, des longues phrases floues. Mais pas Zina. Zina, elle avait dit que ce qu'il fallait, c'était savoir à quelles choses on pouvait pas renoncer. Avec son accent et ses phrases virées à l'envers : ce que t'es pas capable de faire de compromis pour. Qu'il fallait trouver ça, ces choses-là, et être assez courageuse pour construire sa vie autour.
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Je ne sais pas si vous pouvez comprendre le genre de personne que j'étais à cette époque-là, mais je faisais pas ça. Je veux dire : j'aimais pas la confrontation. Je m'obstinais pas. Je donnais raison à tout le monde. Souvent, je comprenais pas pourquoi je me serais forcée pour avoir des opinions en public. Et je me serais jamais fâchée, pour une question de principe, contre quelqu'un que je venais de rencontrer et que je trouvais beau.
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Zina l'appelait San. Je ne sais pas d'où ça venait. Pourquoi elle ne pouvait pas se contenter du même Alex sobre et solide qui venait naturellement à tout le monde. Pourquoi il fallait que tout ce qu'il y avait entre elles soit spécial. Toutes les complicités qu'elles dessinaient dans l'air quand elles se parlaient. Toutes les expressions qu'elles choisissaient pour circonscrire leurs conversations. Les rendre plus exclusives. Les mots qui devenaient de petites choses maniérées qu'elles s'échangeaient. Comme si, pour être amies, elles devaient faire un travail sur le langage. Le triturer jusqu'à ce qu'il ressemble à ce qu'elles étaient ensembles.
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Il était très vieux. Plus vieux encore que l'âge qu'il avait. Très petit, recroquevillé. La colonne vertébrale comme atrophiée. Ça m'avait secouée. On est encore jeune, à soixante-huit ans. Les choses nous atteignent encore.
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Marjo avait besoin de s’accrocher encore un peu à ses tristesses. Elle les traînait depuis longtemps. On s’attache à ces lourdeurs-là. On finit par penser qu’il y a pas d’autre façon d’être soi-même, que ça vient avec.
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Je ne suis jamais sortie. Pas cette soirée-là. Je ne suis jamais allée les rejoindre dans la cuisine. Je pensais à Zina, à qui j’avais dit ça me stresse ce déménagement-là, je suis pas bonne avec les gens. Je lui en avais parlé la journée d’avant, au travail. Elle avait souri. Elle avait dit Marjo, ça va ben aller. Mais ça n’a pas bien été. Elle n’a rien fait pour que ça aille bien. Elle savait que j’étais mal et elle n’a rien fait.
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