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Quelque chose d'extrêmement perturbant le fit tressaillir, un mélange entre le bruit d'un tissu que l'on déchire et un grincement vibrant dans l'air. Un goutte-à-goutte, puis l'écoulement d'un liquide épais, et encore des cris. C'était des chairs que l'on malmenait, le corps d'un homme ou d'une femme subissait les pires sévices. Quelqu'un souffrait à quelques mètres de lui, agonisant entre les mains d'un inconnu, et il n'était même pas capable de se relever.
Le son horrifiant d'un os qui se rompt le saisit en pleine poitrine et lui arracha un cri de frayeur. (...) L'odeur de la peur, l'odeur de la mort l'atteignit pour la première fois.
Ça sentait la peur, la souffrance, et le désespoir, ça sentait le mal à plein nez.
- (...) Par l'Art, j'entends vous absoudre, Padre. Par les émotions que seul l'esthétisme harmonieux et immobile peut inspirer. J'entends bien éveiller les consciences et soulever les esprits, traiter par le beau ce qui ne le sera jamais.
Le jour n'était pas encore levé que manoa finissait son café. Il observait par la fenêtre le flot ininterrompu de voitures et de deux roues, se demandant combien parmi eux s' apprêtaient à commettre un crime, à porter atteinte à l'un de leur proche; les individus qui défilaient sous ses yeux croiseraient-ils un jour son chemin, et celui de la justice ? Peut être s'y trouvait -il de futures victimes ... Bonhoure soupira, toute cette violence le torturait. Pour un criminel interpellé, dix autres couraient encore les rues. Allez, il devait retourner affronter cette jungle, c'était son quotidien d'inspecteur de police judiciaire.
elle dégageait ce je ne sais quoi d'accessibilité et de douceur qui vous emplit automatiquement d'un désir irrépressible.
En se glissant dans le jardin qui aurait très bien pu le voir grandir, le colosse pensait aux traits qu’il donnerait à sa prochaine œuvre, au masque surtout, qu’il sculpterait lui-même, l’expression qu’il souhaitait lui donner revêtait trop de sens pour qu’il se contente d’un objet déjà formé ; le couteau, lui, porterait son propre sang. Quelle douceur d’imaginer ce salaud disparaître sous la pâleur purificatrice du plâtre !
Le fragile grillage plia sous le poids du rôdeur, et la haie hétéroclite qu’on avait oublié d’entretenir le dissimula presque jusqu’à la terrasse. Étrange de constater qu’un si bref passage en ces lieux puisse lui laisser autant de souvenirs ; rien n’avait vraiment changé, le jardin et la maison semblaient encore plus ternes sous la lumière ténue de la lune, et la même odeur de bois pourri agressait ses narines. Il l’avait pourtant aimée cette fragrance, ce parfum de nature qui lui évoquait jadis la forêt profonde ; jusqu’à ce qu’on le place dans cette famille d’accueil, son ultime chance de connaître une vie “normale”. Préadolescent, il avait posé les choses, s’était concerté avec ses multiples démons, et était prêt à faire un effort. Il cacherait tous ses vices et ses penchants macabres aux yeux du monde, serait plus lisse qu’un lac inerte, si cela pouvait lui apporter la sécurité et la stabilité d’un foyer. Oui, il était prêt à se faire violence, à garder tout cela pour lui seul, quitte à mentir à la terre entière, à commettre ses forfaits en douce. Il accepterait d’être un jeune homme irréprochable.