AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Soukiang


Avez-vous déjà ressenti le grand frisson ?
Celui qui vous mets en face de vos propres contradictions, de vos propres faiblesses ...
J'ose croire que des romans pourraient faire changer le monde, ni plus ni moins, interpeller les consciences, susciter des réflexions existentielles, je n'évoque pas les petites turpitudes du quotidien si signifiants soient-ils mais de parcourir le monde en défiant ses propres frontières, en repoussant un peu plus ses limites et son imagination, sommes-nous programmés et confinés à suivre un chemin déjà tout tracé, à se soumettre et suivre aveuglément des règles pré-établies, peut-être tout était écrit bien avant notre naissance, les gènes, le poids de l'héritage, le triptyque naissance-vie-mort, trois étapes inévitables comme les côtés d'un triangle ou la composante formée par les parents et l'enfant, le monde actuel est-il en train d'emprunter le pire scénario, celui voué à brève échéance ... à l'extinction de l'espèce humaine ?

Un thriller puissant et puisant au plus profond de notre psyché, c'est la garantie de prendre son temps pour en apprécier chaque page, une plume maîtrisée pour aborder des thématiques fondamentales telles que l'origine de l'humanité, les crises identitaires et sociales n'existent pas par hasard, quelle est notre place dans ce monde et quelle trace laisserons-nous après notre trépas ...

Je remercie les éditions Belfond et Melanie pour leur confiance et leur service-presse de m'avoir proposé ce deuxième roman de Fabrice Papillon, Régression.
Du postulat de départ avec une enquête sous haute tension sur l'Ile de Beauté, des découvertes d'une sauvagerie inouïe, tout laisse à croire l'oeuvre d'un esprit hors norme, des gendarmes impuissants à trouver un début de piste, l'auteur a imaginé une implacable machine à remonter le temps, l'alternance passé-présent n'a jamais aussi bien porté son nom, si deux des personnages principaux tirent leur épingle du jeu, force est de constater que l'enjeu global en gestation finit par les rattraper et le thriller se métamorphose en un roman aux multiples tentacules.

Comment appréhender les sciences pour affiner ses connaissances, éviter d'engluer le lecteur dans des hypothèses alambiquées, des théories fumeuses ou de lui faire du lâcher-prise hasardeux sauf à travailler son imagination pour intégrer l'infini savoir dans un récit haletant, à doser sans tomber dans le mur de la lassitude des explications rébarbatives, coller au plus près des dernières innovations ou découvertes scientifiques, ethnologiques ou archéologiques, une rigueur dans les descriptions et toujours cette précision chirurgicale de l'auteur à avoir réussi le mixage de plusieurs courants, à poser les bonnes questions, le lecteur n'aura plus alors qu'à prendre acte des réponses plausibles et d'échafauder à travers les protagonistes, ce qui peut laisser craindre du pire ou de l'espérance, ce futur de toutes les incertitudes, une histoire moderne qui crie la douleur et la souffrance d'une planète en péril, un récit sans complaisance qui dévoile des penchants peu glorieux d'une humanité en perte de vitesse et de valeurs essentielles, comment se relever lorsque tout semble baser sur des édifices branlantes, des vérités bafouées sans omettre le poids des responsabilités d'hommes et de femmes en proie à leur démon intérieur.

Une lecture qui monte progressivement dans l'écheveau narratif, l'enquête déjà passionnante va révéler et surprendre à chaque chapitre, la marque d'un grand thriller doit insuffler une liberté et toute latitude au libre-arbitre, lire c'est prendre du plaisir tout en creusant au fond de soi, quitte à se griffer les bras et les jambes, à sortir littéralement de sa zone de confort, à éprouver viscéralement des sentiments puissants et des émotions telles que des rivières déborderaient de leur enclos, toutes les cellules corporelles réagissant de toute part, est-ce possible à partir d'une succession de mots ?
Après cette lecture passionnante, la réponse est sans appel, un OUI définitif, vertigineuses demeurent les instants qui m'ont fait souffler dans les synapses, intemporelles furent toutes ces rencontres plus vraies que nature, imparable la construction érigée comme un puzzle et cette dernière pièce coïncidant avec l'épilogue ...

Fin de l'acte ou début d'une nouvelle ère, des révolutions la Terre en a connu et des vertes et des pas mûres, nombre de livres ont déjà bivouaqué dans la conscience collective, l'ancrage du monde tel que nous le connaissons aujourd'hui, Boréal de Sonja Delzongle n'y allait pas par quatre chemin, un huis-clos terrifiant dans les immenses solitudes blanches du Groenland, sensibiliser sous l'angle du thriller des conséquences dramatiques de la main de l'homme, que peut-on encore sauver, que reste-t-il sinon à limiter les dégâts, peut-être n'est-il pas déjà trop tard, peut-être subsiste une once d'espoir, Régression n'hésite pas à lancer un pavé dans la mare, l'essentiel demeure visible aux yeux, ces éclaboussements chacun devrait en recevoir et goûter à l'aspérité de ses propres convictions, endurer ce goût amer, partie de cache-cache entre les vivants et les morts, on parle de voyage livesque, autant couper court, c'est une véritable odyssée, une évasion littéraire qui n'a de nom que ses propres barrières.

On parle souvent d'incivisme ou d'injustice à constater au quotidien, fracture indélébile et choc des cultures ne sont pas choses futiles dans Régression, des turpitudes qui font grandir la colère du peuple mais concrètement, que se passe-t-il réellement, loin de conter une belle histoire sous le spectre d'une terrible affaire criminelle, se poser le temps de s'interroger, sur nos vies et nos garants, notre relation avec la nature des choses, du règne animal à celui de l'homme moderne, de cette politique économique et libérale, de cette course endiablée vers le profit et la réduction drastique des coûts tout azimut, des manipulations en tout genre qui flirtent trop souvent avec l'essence vitale de l'existence, on imagine encore mal aujourd'hui combien les peines infinies provoquées et cette violence impitoyable régissent ici-bas, parler de la théorie de Darwin et sa sélection naturelle est plus que jamais d'actualité, revisiter des périodes cruciales qui ont modifié à jamais le cours de l'humanité, dérèglement et changement climatique, production et consommation de masse avec toujours ces gaspillages outranciers, l'auteur ne ménage pas les coups de théâtre pour provoquer, percuter à chaque fois les esprits, marquer du sceau de l'infamie ou de la beauté iridescente de la simple observation, sans tomber dans le cliché, approcher la biologie ou la paléontologie, les principes philosophiques à portée universelle, explorer des vestiges anthropologiques et architecturaux, c'est redonner sens et vie à l'histoire du monde dans toutes sa primitive création, l'évolution et les secousses qui ont modelé et façonné ce monde actuel, est-il encore temps de voter et d'appliquer des lois draconiennes ou bien alors retourner vers nos origines ... d'il y a plusieurs millions d'années ?

Construire, détruire et reconstruire ...

Roman intelligent, sentiment puissant d'en ressortir avec plus de questions que de réponses mais une chose est sûre, Régression de Fabrice Papillon fait parti de ces romans qui ne laissent pas indifférent, qui donne plus qu'il ne reçoit, reste à nous de savoir ce qu'il reste à faire, le compte à rebours a déjà commencé, en espérant que cela ne soit pas sous sa pire forme, le prix de la survie de l'humanité risque de se payer cash, peut-être saurez-vous ou pas, peut-être nous sauverons-nous ou ... pas.

"Ce n'est pas la plus forte ni la plus intelligente des espèces qui survivra, mais celle qui sera la plus apte à changer" (Darwin)
Commenter  J’apprécie          70



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}