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Citations sur Trucuri urbane (11)

Comme tout un chacun, toi aussi, tu as un frère imaginaire

Il ne cache pas grand-chose… comme tout le monde là-bas
quelques tendances narcissiques,
des histoires péniblement rassemblées,
scénarios suicidaires,
des orgies à 3 h du matin,
vieux papiers, un énorme tas de vieux papiers et
des notifications
morceaux de futur préemballés
Douces émotions.
Toi seul et ta peluche préférée
vous n’avez pas de petits os à lui écraser.

Advient tout ce que tu voulais qu’advienne, tout ce qui était
prévu. Y compris l’inattendu
également préemballé.
Une lumière dans le plasma qui se colle à toi
Nage vers lui
Suis les signes. Suis l’absence de signes.
La perméabilité de la membrane
est totale.

(traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
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Ce qui était prévu

D’abord une prière impertinente :
« Dieu, aide-moi à ne jamais mourir. »
Vient ensuite l’apprêtage quotidien,
tout son arsenal : le blaireau,
l’alcool désinfectant, le soupir, le trajet,
les gribouillages sur les murs de l’usine sucrière, pour te donner du courage
la satisfaction de pointer, l’élan patriotique,
l’égratignure obligatoire,
les émotions dessinées calligraphiquement,
à même l’asphalte.
Tout cela, plus un pauvre petit secret
qui fait de toi un minoritaire
remontant à l’époque où Nicholson et Singer
construisaient le modèle de la mosaïque fluide.

(traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
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Au-dessus de la métropole

Au-dessus de la métropole vous balancez vos jambes
en contrepoint
jusqu’à ce que vos ongles deviennent noirs.
Vous attendiez ce jour avec impatience !
Votre complicité est patiemment réparée.

Riez un peu, juste un peu, et seulement un sur trois.
Le plus vulnérable d’entre vous est
toujours le plus strident.
Vous les autres choisissez de ne pas gâcher
avec d’âpres bruits
cette chaîne de tendresse calculée.

Vous êtes né zélés, vous vous êtes entraînés à être disponibles.
La vigilance perle de vous comme un nectar, la vigilance et
l’esprit de scout. On se met en route ?
Sautez ensemble en vous tenant la main
guère crispés, sereins

Vous arrivez à une sorte de prairie, mais l’herbe y est brûlée,
Vous vous allongez, haletants, sur le sol dégarni,
Vous vous tenez toujours la main, vos yeux pétillent,
vos esprits abreuvés
en xanax et coton, avec ferveur

Voici la marge, on nous coupe,
on nous gronde, on nous pardonne.

(traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
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Pastel

Tout roman policier,
toute narration SF, tout
roman réaliste old school
qui ferrait un bon film
se termine par une perte dans le paysage,
un relativement doux
éloignement du but
un état de retraite
dans une sorte de bien-être écologique
accompagné d’un bourdonnement rythmique
de faucheurs

Le coupable est en détention
l’objet anthropomorphe s’est avéré
d’une utilité limitée,
les cris s’apaisent,
les orgueils sont enfouis.
Reste derrière eux
ce délicieux paysage provincial
le fragment de forêt presque intact,
la fumée bohème jaillie d’une Bentley d’entre-deux-guerres,
le capot à la brillance acre comme celle de l’onyx
sur la parcelle vierge de colline ou de plaine,
au-dessus de l’horreur à peine révolue.

Les coupables et les complices,
la cavalcade de disparitions
d’artifices, de sacrifices
de la vie domestique
se résorbent en un seul point.
Un morceau de colline
a une légère vibration,
la lumière calme, provinciale révèle
une haie bien entretenue,
une toile végétale
qui engloutit des pivoines et des hortensias
pêle-mêle, un désordre contrôlé
épanchement environnemental.
Un salon de manoir Belle Époque
devient étroit comme le creux d’un arbre
d’où sort une main, une tête potelée,
une entité toujours disputée

Le sentiment d’un accomplissement
advint invariablement
malgré l’horreur à peine révolue.
Les insectes gluants ne te lâchent pas la grappe
jusqu’à ce que le paysage se referme
devant toi, en plein jour, tour de magie
avec les Érinyes aussi.
L’endroit se rétrécit d’abord
implose en une ligne courbe
puis en un point qui tourne
avec tous les autres points
simultanément
immobilité vibrée

Jusqu’à la nouvelle prise de position
du héros, criminel ou détective,
le point tournant est un furet
furetant les guérets,
les contrées.
Son quotidien
se déroule sans obstination.
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Recouvre-nous

Tandis que nous étions prédestinés
à la gloire
Et que nous sanglotions sous l’emprise de l’extase
entre les étagères étroites de
deux magasins chinois rivaux
le quartier du Mănăștur et ses relents brillaient là-bas
pire qu’aux Galeries Lafayette
Les années ’90 passent pour nous à fouiller
des éventails aux paysages bucoliques, des autocollants sur des bibelots en porcelaine,
et des soutiens-gorge éblouissants
en y songeant, nous sursautons : petits cris de joie
L’élancée Hsiu Mei, vendeuse au paradis près de
la station de tramway
regarde à travers moi
voit son jardin plein de rosée scintillante de
Houtouwan
où, fourbue, elle s’effondre ; auparavant
ses doigts bougent avec agilité, petit moulin-à vent dément
entre soutiens-gorge, éventails,
auto-collants d’un éclat toujours plus pur.
Son nom, me dit-elle, signifie « sourcils
sophistiqués »
Sa collègue du magasin jumeau
de l’autre côté de la rue
est Guan Yin, la « déesse de la miséricorde »
À la déesse je peux lui capturer le regard
Comme je m’empresse de lui transmettre
humanité, profondeur, émotion
Sa miséricorde est froide,
elle me la rend dédoublée
semblable à la crainte.

Cela devait déjà être en 2001
nous les quittions, non sans un ricanement de mépris
Hsiu Mei, Guan Yin
Nous passons la moitié de notre jeunesse encore disponible
à excaver des trésors
des boutiques de seconde main du quartier :
fétiches de rockeurs
robes en cuir vintage objets dada
de la garde-robe de deux jumelles norvégiennes
alcooliques les week-ends, corporatistes tirées à quatre épingles
les jours de travail

Quelle est cette chance qui nous a souri !
Notre usine de tous les jours
Jette-nous des certificats, des diplômes, des lauriers
Recouvre-nous d’extase
Rends-nous la Chinoise et la Norvégienne,
Et les éventails et la saveur des années ’ 90
Et le patriotisme de quartier
Et qu’ainsi nous égrenions notre voie
de sourcils en plastique
Plantés sur le catwalk,
des victoires nous attendent encore

Recouvre-nous d’extase

(traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
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Amsterdam avec Mieke

Mieke, oui, elle rit, jusqu’à
grelotter
Jusqu’à ce que le rire
conjointement aux pleurs
gargouillent
en syncopes.
Ses défauts ne me gênent pas
Seulement elle est mon émancipée
nous avons déjà des rituels ensemble
tôt le lundi pour le café :
une académique chanson du style manele
une analyse culturelle
une brise pestilentielle
La part de désespoir
quotidienne,
La part de calvaire
perpétuel

Elle pérore, elle m’apprend
à ne surtout pas
m’accrocher pathétiquement à elle
Elle rit encore et me taquine
pour les tics provinciaux
auto-coloniaux

Mieke est la malfamée, la reniée
la rationaliste amadouée
queer – le théorie comme la biographie,
cette sœur mienne
qui qu’elle soit.
La prestidigitation est tout ce qu’on pourrait réclamer
Et pam, on peut ajuster
sa minauderie occidentale
avec un passé impérial chargé
Sa vie saine, mais pas trop
La vigilance sensorielle
La part de désespoir
quotidienne,
La part de calvaire
perpétuel
Sa froideur privée
par les cosmétiques légèrement sublimée.

Je me perds au cœur de la métropole
avec elle
Nous luttons pendant un moment.
Chose prévisible, en tombant sur un os
nous saupoudrons de la pensée critique
sur la plaie généreusement
et sur la douleur
une froide émancipation
Jusqu’à ce qu’on atteigne, semble-t-il,
le discours ininflammable
asphalte impeccable,
tellement hollandais
l’effet gris écossais.
Je me tais et je veille sur elle
quotidiennement
perpétuellement.
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Journal du campus (REMIX)

Aujourd’hui, la frivole Lady Di
se transforme en mythe
Tu débarques sur le campus
Jetlagué
et un ego écœuré.

Une année sabbatique – érudite, muséale
Angoisses du week-end, blocage
thèse doc-to-rale
Un ami aseptique, aux trois quarts loyal
Amour plus sarcasme collégial
C’est rare, voyons,
plus rare

Les cafards arrogants du campus contournent
Ironiques, affamés et sauvages comme des blaireaux
Le chemin qui les guide – un protocole adroit –
Tourne maintenant, en une roulade baroque,
De nouveau à la Main Library Hall
puis à Saint Mary

Greenblatt : en vogue à l’époque
Tu listes et humes perçois, oh, la prosopopée
Un ultra célèbre parmi les new historiens
Tu classes les purgatoires et même les exorcistes,
l’énergie sociale du Grand Will
Un sacré rétractile bibliophile
Ça alors, tu te complais dans un doux ascétisme
Tu connais des congénères d’un naïf anarchisme
Vous vous précipitez vers Chicago dans un délire agonisant
Des cervidés apparaissent, heurtent le pare-brise
Ils éclaboussent le sang auroral
Un cuivre nostalgique-automnal
Et une frustration, un relent inescapable

Tu laisses derrière toi, ah, mauvaises herbes, hystéries,
Affections et vaines idolâtries
Et des shakespirologues pris dans des idéologies.
Tu voles en transe vers la maison – l’angoisse au
ventre
Tu portes des piles de fiches bourrées dans ton
sac à dos
C’est le même célèbre historien souvent cité
C’est bien ça, tu as deviné : Greenblatt.
L’avion est fou, tu vois qu’il pique du nez
Ah, tes rimes coulent, tantôt tangentes, tantôt truquées
L’émotion, regarde, te coupe – une scie.
Un relent humide, fruste, inescapable.

(p. 63, traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
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Notes de bas de page

Tu écrirais quelque chose sur le monde de la mode
sur Anna Dello Russo de Vogue Japon
tout en or vêtue
avec les paparazzi qui la poursuivent,
son rire au milieu de la rue : « Eleganza Italiana ! »
Sur l’ironie du destin des autres.
Sur leur gesticulation
nonchalance, tu écris.
Sur toi-même, tu le sais bien, il n’y a pas grand-chose.
Tu as 52 ans looking like 39 (la gonzesse qui te coupe les cheveux te l’a dit)
Si tu croyais ça, flattée
pour peu que tu te soupçonnerais d’âgisme.

Alors acceptez-le : tu n’as pas de biographie.
Élimine toutes les idiosyncrasies, toutes les orgues de Barbarie.
Tu as juste des notes de bas de page
avec Nussbaum, avec Latour.
Clichés de souvenirs blue rate
S’agglutinent chez toi, parmi les obsessions des autres.
Tu connais dans les moindres détails ce qui hante Alfred Lambert
Tu as plus de pitié pour son fauteuil bleu
que par ton genou droit :
l’accident à 5 ans, la blessure statutaire,
l’exhortation pionnière « se fortifier »

et un fragment, oui, bien trop ajusté, d’émotion, d’addiction

qui aurait pu être seulement tienne
si tu l’avais réclamée à temps.

De tout cela, il ne reste plus que
l’objet qui te ressemble
mais qui ne te reconnaît pas.
Cela seul est terriblement réconfortant.

(traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
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Intentions et desseins

De saison : du raifort entre les poivrons rouges farcis, tomates vertes en saumure un peu ramollies
empreintes digitales et rayures sur les pots recyclés
à l’infini
Les rides des femmes meurtries par le froid
comme en janvier 1990
L’asphalte à peine un peu mieux étalé
Les retraités légèrement hystériques, et cela t’émeut
Qui court après les pieds de cochon estampillées à l’encre
indigo ?
Qui après du fromage de tête, du leberwurst, du faux-filet à la gitane, du bacon,
qui après de l’euphorie ?

Tiens, voici aussi la patronne, celle qui a la grande gueule, celle qui est plus futée
Celle qui te la coupe net avec une taquinerie grossière
Tu l’as échappé belle, il a manqué de peu qu’elle te coiffe au poteau
Elle crie au téléphone pour que le marché tout entier l’entende :
Comment aurais-je pu deviner, je ne m’appelle tout simplement pas
Carmen Hara ?
Elle rit jusqu’à ce que son iris bleu devienne de plomb,
des larmes dans yeux eux, à cause du froid.
Ou bien parce qu’elle a bien écoulé sa marchandise ?

Elle laisse entrevoir deux dents recouvertes de Wipla
L’année prochaine, elle les habillera en or
L’année prochaine elle finira le chantier : la deuxième salle de bain, la terrasse,
la piscine
Et toi, qui la fixe du regard, tu éprouves en quelque sorte de la pitié, mais non
quelque chose de bien pire que la pitié.
Comme si toi tu appartenais à l’élite.
Ou peut-être que tout cela a une certaine signification édifiante ?
La recette du traditionnel chou farci végétarien, comme un mantra
sifflé avec arrogance par une toute petite dame,
les analyses reportées, la peur, le moteur de l’imagination toute menue
et juteuse,
les textes qui persistent mais ne sont pas, thank God,
imminents ?

Tu dénicheras du faux-filet à cuisiner.
D’une poignée d’intentions et de desseins
qui se tiennent bien droits, vivaces-rapaces.
Tout autour des étincelles, des aiguilles d’épicéa, confiance en Père Noël,
décor de théâtre en papier carton.
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Décoratif, vaguement thérapeutique

Elle me donne le vertige
cette exhalation de bois fraîchement coupé
pour le feu.

Mon esprit tourne dans tous les sens les indications
du metteur en scène
sur l’emplacement le plus approprié de
objet dans l’espace
dès que j’identifie avec justesse le chronotope :
ma première enfance, le hangar où l’on coupait le bois
pour le poêle des grand-parents,
où hrcht ! un doigt vole
avec les hurlements déployés
en dégradé, avec étonnement
d’aimer à moitié
avec le frisson masochiste
avec un sentiment festif
que, voilà, quelque chose se passe enfin

Ils apparaissent au premier plan
morceaux d’accessoires fantasy
billots équipés de bras à pinces
Hrcht-hrcht font-ils en vain
Hrcht encore une fois, jusqu’à attraper dans la griffe métallique
un doigt avec l’ongle coupé court et
consciencieux tel avertissement moral
à propos d’une action irrémédiablement erronée,
un événement exceptionnel pouvant
redistribuer
nos torts passés
ainsi que ceux à venir.

Et toute erreur onctueuse
prend une forme longue et naïve
qui disparaît simultanément avec
une sorte particulière de tourment auto-infligé,
comme quand on se frotte la peau des aisselles
(transparente, virginale jusqu’à l’hystérie,
jusqu’à l’élucubration)
contre l’écorce de quelques billots dissimulant
des images de décapitations somptueuses

Et aussitôt je me retrouve
dans l’antichambre d’un succès,
ici, chaque pensée dont j’avais honte acquiert
une fine couche de bien-être, de luxure même,
emballage rapidement adapté
à ma nouvelle condition
dans laquelle je m’enveloppe sans y être forcée par qui que ce soit,
engluée dans de l’huile de résine
cicatrisant
perlant d’un billot de bois
fraîchement coupé

Et si ces images et ces actions concertées
seront archivées pour mémoire,
cryogénisées dans ce billot (qu’une
lecture pédante
pourrait interpréter, soi-disant
comme une métonymie de l’inconscient,
alors qu’il n’est rien d’autre que ce qu’il est, on se cogne à lui
et c’est tout !)
si tout ce dont j’ai évoqué
va acquérir
effet décoratif
et vaguement thérapeutique,
sans pensées cachées, ce sera
et sans désaveu aucun
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