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Critique de gerardmuller


L'homme que l'on croyait / Paul Pavlowitch
Né en 1914 à Vilnius en Lithuanie, à l'époque faisant partie de l'URSS, Romain Gary connut la langue française dès son plus jeune âge car tout le monde parlait français dans le ghetto lithuanien. Subissant rapidement un écartèlement culturel dans l'exil et un déchirement familial, ne connaissant pas son père, Gary fut la proie d'une mère dominatrice qui ne lui dit jamais « je t'aime », mais qui exigea qu'il réussît.
« Il n‘était pas question d'aimer. Romain devait devenir « ambassadeur et écrivain ».
Romain le bâtard. Plus tard, il a pensé que son père était peut –être Mosjoukhine, un acteur aux yeux ardents ; la ressemblance était frappante.
Et Romain, cet homme de quatre pays, écrivit en français et en anglais des dizaines de romans, après avoir commencé par un livre polonais. Comme Heine, Nabokov et Conrad, « Gary dut subir l'exil et mener sa vie d'écrivain dans une langue d'adoption. »
Romain Gary choisit ce pseudonyme car « gari » en russe c'est l'impératif du verbe brûler et ce fut le nom d'actrice de sa mère. « Ce feu consuma toute sa vie et celle de ses proches. » Son autre pseudonyme Ajar signifie braise en russe. « Il inventait un nouvel auteur et devenait un autre : son propre fils naturel et le père de ses oeuvres. »
Romain Gary fut un formidable acharné et obsessionnel de l'écriture. Comme son nom d'auteur le laisse supposer, Gary brûlait. Il faisait feu de tout son être et tout était bon pour alimenter son oeuvre.
« C'était la comédie dont il se nourrissait, mélangeant pour le plaisir, et pour vivre, le vrai et le fictif. Il mentait pour installer de beaux décors. le plaisir de l'écouter se confondait avec le plaisir de le croire. Vint bientôt le moment où je ne tentai plus de distinguer le vrai du faux. »
Par ailleurs il possédait une réserve nerveuse invraisemblable : « Il travaillait sur les nerfs. Engrossé par un bon sujet, il ne cessait plus de travailler jusqu'au point final. »
La rue du Bac où il demeurait parfois vit passer une multitude de figures féminines venues au secours de Romain aux prises avec l'angoisse. « Mais le désir est bien plus fort que l'assouvissement. Elles ne pouvaient pas faire long feu, puisqu'elles s'étaient données. »
Paul Pavlowitch écrit : « J'ai toujours connu Romain triste. Ses yeux le trahissaient et sa voix chaude et brisée achevait de vous bouleverser. Une douleur, une douceur. »
Diplomate et écrivain, il fut le porte-parole officiel de la délégation française à l'ONU. « Polyglotte, il nage dans toutes les eaux, goûte à toutes les femmes… Il avait l'orgueil du mal-né. Il s'est précipité vers toutes les issues possibles. » Il fut secrétaire d'ambassade en Bulgarie, puis en Suisse avant l'Amérique et l'ONU.
Sa liaison avec Jean Seberg à partir de 1958, alors qu'il est consul de France à Los Angeles, fut une manière de torture et ils divorcèrent en 1968. Cependant ils ne pouvaient vivre très loin l'un de l'autre. « Et ce fut un lent et douloureux arrachement. Jean restait proche. Romain, qui ne l'avait plus dans sa vie, la mit alors dans ses livres… Ils devaient mourir tous deux ensemble ou presque, chacun dans sa solitude. »
Comme le disait un critique littéraire américain, « Gary fut un visionnaire tragique et amer doublé d'un superbe poète romantique. » Il avait aussi quelque chose De Voltaire, pas loin d'une frontière (résident souvent à Genève), perpétuel transfuge de lui-même. « Gary était un romancier qui ne savait pas s'attarder sur son oeuvre. Il travaillait vite et beaucoup…Ses oeuvres obéissaient à de puissants besoins psychologiques. Elles étaient le résultat de compulsions pratiquement instantanées qu'il devait, sous peine d'asphyxie morale et de troubles très réels, évacuer d'urgence… Gary, comme souvent chez les romanciers slaves, disposait d'un grand talent à faire dialoguer son angoisse personnelle. »
Un ouvrage de 300 pages, capital concernant Romain Gary, un thriller qui fourmille d'anecdotes, écrit par un proche familial, son petit-cousin ou neveu, son secrétaire également puis prête nom, pseudo auteur de « La Vie devant soi », selon les jours ( !). Les péripéties concernant Émile Ajar, l'auteur fictif de son second prix Goncourt, fait unique dans l'histoire du Goncourt est une histoire incroyable. « Mais l'image d'Ajar se mit apparemment à vivre pour son compte. Ce fut au détriment de Romain dont elle se nourrissait. » Toujours est-il que Paul a parfaitement joué le rôle de Ajar, notamment dans sa savoureuse rencontre à Copenhague avec Simone Gallimard des éditions Mercure de France.
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