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EAN : 9782213010601
320 pages
Fayard (02/07/1981)
4/5   9 notes
Résumé :
Six mois se sont écoulés depuis la mort de Romain Gary. En accord avec sa volonté, je me dois de faire la déclaration suivante :
A la fin de l'année 1972, Romain Gary me dit qu'il avait l'intention d'écrire « toute autre chose sous un tout autre nom », parce que, insista-t-il, « je n'ai plus la liberté nécessaire ».
Au mois de mars 1973, il finissait le premier jet de Gros-Câlin et l'achevait définitivement au mois de décembre de la même année. Il choi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Je trouve passionnantes la vie et l'oeuvre de Romain Gary. Bien-sûr les dernières années de la vie de Gary sont sans doute les plus étonnantes au moins d'un point de vue littéraire, quand il réussit à se réinventer comme nouvel écrivain, au style révolutionnaire, sous le pseudonyme d'Émile Ajar, alors qu'il continue à écrire en parallèle quelques uns des plus beaux livres publiés sous son nom de plume habituel de Romain Gary (Clair de femme et Les cerfs-volants notamment). Avant la publication de "La vie devant soi", le deuxième roman d'Ajar, Paul Pavlowitch, qui est le petit-cousin de Gary, a accepté de passer pour l'auteur des romans signés Ajar. Six mois après le décès de Romain Gary et après avoir révélé à la presse que Gary et Ajar n'étaient qu'un seul et même écrivain, Paul Pavlowitch publie ce livre, son premier, qui raconte toute l'histoire d'Ajar, histoire qu'il fait débuter en 1965, à la publication de "Pour Sganarelle" et qui se termine quand, le 2 décembre 1980, Gary met fin à ses jours en se tirant une balle dans la bouche.

Ce livre est troublant, à la fois par ce qu'il révèle de l'homme et de l'écrivain Gary, mais aussi par le dessin en creux de ce qui arrive à Paul, embarqué dans une aventure à la fois burlesque, romantique, époustouflante et tragique. Comme pour toute la vie de Gary (et la Promesse de l'Aube en fournit une première preuve), on est ébloui, fasciné et aussi effrayé par la capacité de cet homme à utiliser tout ce qui passe à sa portée pour en faire de la littérature dans une folle combustion où lui même se consume. N'oublions pas que Gary signifie "brûle !" en russe et Ajar "braise". Et Paul, lui aussi, fervent admirateur de son "oncle", servira de combustible pour alimenter le brasier Ajar, en particulier pour ce livre vertigineux qu'est Pseudo, où le narrateur, Émile Ajar, l'auteur de La vie devant soi, à peine sorti d'un séjour en clinique psychiatrique, entend régler ses comptes avec son "Tonton Macoute" (Gary, donc) qui, selon lui, tente de lui voler la paternité de son œuvre !

On imagine Gary jubilant d'avoir réussi ce fabuleux tour de magicien, à tel point que personne ne devinera que c'est lui qui tire les ficelles, alors même qu'il apparait en personne, certes grimé mais reconnaissable, dans son théâtre de marionnettes. Ce que l'on sait moins et que ce livre nous révèle, c'est que Gary était très loin d'être serein d'avoir engendré Ajar. Paul Pavlowitch nous le montre terriblement angoissé à l'idée que ce canular ne soit découvert de son vivant et que l'auteur Romain Gary en fasse les frais et soit déconsidéré, vilipendé comme tricheur. Cette angoisse qui frôle la paranoïa, il la communique à Paul qui lui, doit assurer le "service", c'est-à-dire répondre aux interviews et signer les contrats avec les éditeurs, avec la crainte toujours présente de faire l'erreur qui révèlerait le pot aux roses. On peut imaginer (Paul Pavlowitch, lui, ne va pas jusque là) que la difficulté de vivre avec son avatar Ajar a pu être une des raisons qui a amené Gary a hâter sa fin. Il aurait confié un jour à Paul : « Il suffit de crever pour cesser d'être un canular »

A la lecture de cette histoire de fous, on est heureux que Paul ait miraculeusement gardé suffisamment de lucidité et de modestie pour nous raconter cette étonnante cohabitation entre Gary et son pseudonyme incarné, cohabitation au cours laquelle s'est concoctée l'une des créations littéraires les plus stupéfiantes qui aient existé : celle d'un certain Émile Ajar.
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L'homme que l'on croyait / Paul Pavlowitch
Né en 1914 à Vilnius en Lithuanie, à l'époque faisant partie de l'URSS, Romain Gary connut la langue française dès son plus jeune âge car tout le monde parlait français dans le ghetto lithuanien. Subissant rapidement un écartèlement culturel dans l'exil et un déchirement familial, ne connaissant pas son père, Gary fut la proie d'une mère dominatrice qui ne lui dit jamais « je t'aime », mais qui exigea qu'il réussît.
« Il n‘était pas question d'aimer. Romain devait devenir « ambassadeur et écrivain ».
Romain le bâtard. Plus tard, il a pensé que son père était peut –être Mosjoukhine, un acteur aux yeux ardents ; la ressemblance était frappante.
Et Romain, cet homme de quatre pays, écrivit en français et en anglais des dizaines de romans, après avoir commencé par un livre polonais. Comme Heine, Nabokov et Conrad, « Gary dut subir l'exil et mener sa vie d'écrivain dans une langue d'adoption. »
Romain Gary choisit ce pseudonyme car « gari » en russe c'est l'impératif du verbe brûler et ce fut le nom d'actrice de sa mère. « Ce feu consuma toute sa vie et celle de ses proches. » Son autre pseudonyme Ajar signifie braise en russe. « Il inventait un nouvel auteur et devenait un autre : son propre fils naturel et le père de ses oeuvres. »
Romain Gary fut un formidable acharné et obsessionnel de l'écriture. Comme son nom d'auteur le laisse supposer, Gary brûlait. Il faisait feu de tout son être et tout était bon pour alimenter son oeuvre.
« C'était la comédie dont il se nourrissait, mélangeant pour le plaisir, et pour vivre, le vrai et le fictif. Il mentait pour installer de beaux décors. le plaisir de l'écouter se confondait avec le plaisir de le croire. Vint bientôt le moment où je ne tentai plus de distinguer le vrai du faux. »
Par ailleurs il possédait une réserve nerveuse invraisemblable : « Il travaillait sur les nerfs. Engrossé par un bon sujet, il ne cessait plus de travailler jusqu'au point final. »
La rue du Bac où il demeurait parfois vit passer une multitude de figures féminines venues au secours de Romain aux prises avec l'angoisse. « Mais le désir est bien plus fort que l'assouvissement. Elles ne pouvaient pas faire long feu, puisqu'elles s'étaient données. »
Paul Pavlowitch écrit : « J'ai toujours connu Romain triste. Ses yeux le trahissaient et sa voix chaude et brisée achevait de vous bouleverser. Une douleur, une douceur. »
Diplomate et écrivain, il fut le porte-parole officiel de la délégation française à l'ONU. « Polyglotte, il nage dans toutes les eaux, goûte à toutes les femmes… Il avait l'orgueil du mal-né. Il s'est précipité vers toutes les issues possibles. » Il fut secrétaire d'ambassade en Bulgarie, puis en Suisse avant l'Amérique et l'ONU.
Sa liaison avec Jean Seberg à partir de 1958, alors qu'il est consul de France à Los Angeles, fut une manière de torture et ils divorcèrent en 1968. Cependant ils ne pouvaient vivre très loin l'un de l'autre. « Et ce fut un lent et douloureux arrachement. Jean restait proche. Romain, qui ne l'avait plus dans sa vie, la mit alors dans ses livres… Ils devaient mourir tous deux ensemble ou presque, chacun dans sa solitude. »
Comme le disait un critique littéraire américain, « Gary fut un visionnaire tragique et amer doublé d'un superbe poète romantique. » Il avait aussi quelque chose De Voltaire, pas loin d'une frontière (résident souvent à Genève), perpétuel transfuge de lui-même. « Gary était un romancier qui ne savait pas s'attarder sur son oeuvre. Il travaillait vite et beaucoup…Ses oeuvres obéissaient à de puissants besoins psychologiques. Elles étaient le résultat de compulsions pratiquement instantanées qu'il devait, sous peine d'asphyxie morale et de troubles très réels, évacuer d'urgence… Gary, comme souvent chez les romanciers slaves, disposait d'un grand talent à faire dialoguer son angoisse personnelle. »
Un ouvrage de 300 pages, capital concernant Romain Gary, un thriller qui fourmille d'anecdotes, écrit par un proche familial, son petit-cousin ou neveu, son secrétaire également puis prête nom, pseudo auteur de « La Vie devant soi », selon les jours ( !). Les péripéties concernant Émile Ajar, l'auteur fictif de son second prix Goncourt, fait unique dans l'histoire du Goncourt est une histoire incroyable. « Mais l'image d'Ajar se mit apparemment à vivre pour son compte. Ce fut au détriment de Romain dont elle se nourrissait. » Toujours est-il que Paul a parfaitement joué le rôle de Ajar, notamment dans sa savoureuse rencontre à Copenhague avec Simone Gallimard des éditions Mercure de France.
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C'est un livre « brûlot » écrit à chaud après le suicide de Romain Gary en décembre 1980. le secret du personnage auteur Emile Ajar, crée par Romain en 1975 pour tromper le milieu littéraire et leurs critiques majoritairement hostiles et sarcastiques avec ses oeuvres, devait être gardé jusqu'à sa mort. Paul Pavlowitch a respecté le pacte. Je me souviens de son témoignage si juste et émouvant lors de l'émission Apostrophes en 1981, où face à Bernard Pivot, (Michel Tournier, Gérard Mendel et François Bondy), il a levé le voile de la supercherie grandiose, dont seul Romain Gary pouvait être initiateur d'un tel stratagème.
Le style littéraire de Paul n'est pas toujours facile à suivre, cependant, ses analyses concernant les livres écrits par RG, avant, pendant et après Ajar, sont extrêmement pertinentes. Il révèle la personnalité tourmentée de Romain, l'écrivain qui confie son double dans ses personnages. Nourri au biberon de la culture russe, enfant bâtard et juif, échappé du ghetto lithuanien grâce à la fuite de Nina (sa mère), vers la France, toute sa vie et toute son oeuvre, il portera ces attributs, tel un fardeau ou bien un étendard. Souvent dépressif entre ses périodes d'écriture, la littérature était son domaine vital, essentiel, absolu.
Paul, très attaché affectivement à Romain de par leurs liens familiaux, et très admiratif de « l'homme », a accepté le rôle en parfaite connaissance, ne mesurant peut-être pas complètement la complexité juridique, fiscale, émotionnelle et psychique de la machination, parce qu'à un moment, il s'est retrouvé complètement manipulé, sans réelles capacités à contester l'emprise de Romain notamment sur son personnage de Pseudo, période qui fut une descente aux enfers pour lui. Car comment ne pas déjanter, tourneboulé dans un tel raz de marée de Pseudo Schizo, où seul, face à Romain, car confinés dans le même appartement, il dactylographia page après page, chaque délire sur lui-même, la rédaction de son maître.
Dans ce livre aveu, il développe largement son analyse pour les romans d'Ajar, dont le premier publié en 1974 : Gros câlin, La vie devant soi en 1975, Pseudo en 1976 et l'Angoisse du roi Salomon en 1979.
Inconditionnel de l'oeuvre de Romain, il s'attaque à l'examen profondément humain, au contexte social, politique, et conjoncturel de ses romans. La qualité littéraire allant de soi ! Il annote quelques fragments de certains d'entre-eux, dont Les enchanteurs, Adieu Gary Cooper, Europa…mais ces extraits sortis de leur contexte alourdissent le récit et desservent le but originel.
Ce livre devait être écrit. C'est à la fois une déclaration d'amour posthume à Romain, et l'exposé nécessaire et lucide pour s'extraire du mythe Ajar.

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Paul Pavlowitch est un cousin de Romain Gary (où peut-être un neveu). En 1974, Romain Gary publie un roman « Gros Calin » sous le pseudonyme de Emile Ajar, il a l'idée de faire endosser le rôle de l'écrivain Emile Ajar à Paul Pavlowitch, un jeune cousin de la famille de sa mère. C'est cette histoire que ce récit révèle en 1981, après le décès par suicide de Gary. le subterfuge bousculera encore plus le milieu littéraire lors de la publication du second roman Ajar « La vie devant soi », car celui-ci obtient le Prix Goncourt en 1975. Romain Gary est déjà un homme aux multiples identités. Lithuanien par sa mère, russe par son père, juif, expatrié en France, engagé dans l'aviation anglaise de la France Libre, Compagnon de la libération, diplomate français aux Etats Unis, et déjà un écrivain reconnu, il avait obtenu le prix Goncourt en 1956 pour « les Racines du ciel » et connu un grand succès avec « La promesse de l'aube ». Dans les années 70 une presse littéraire de gauche « lui bave contre depuis trente ans » (page 132) et c'est pour bousculé ce milieu qu'il a l'idée de cette nouvelle identité. Au delà d'un nouveau nom d'auteur, c'est une nouvelle écriture, de nouveaux sujets qui se démarquent de ses propres romans. Paul Pavlowitch montre que dans chaque livre publié par Romain Gary, il y a toujours un personnage qui est son double. Par contre il décrit un homme tourmenté, qui ne vit que pour la littérature, souvent dépressif entre deux périodes d'écriture. Ce qui est spectaculaire c'est de voir comment Gary et lui ont monté cette affaire de pseudonyme un peu comme des agents secrets. Gary dictait souvent les réponses que Ajar devait faire devant la presse, car Pavlowitch était fréquemment bousculé, car certains doutaient de sa capacité à avoir écrit les romans de Ajar. Gary lui dicte aussi comment il doit négocié avec les éditeurs, les traducteurs. Il se comporte comme s'il avait créé un personnage vivant, Paul Pavlowitch en est souvent déstabilisé, voire dépressif lui aussi. A la sortie de « La vie devant soi » les réactions de la presse sont unanimes pour encenser le livre. L'identité est au coeur du roman, arabe, gitans, prostituée juive, déracinés, discriminés, enfants de la rue. Lorsque Gary écrit et publie « Pseudo » la confusion est encore pire car il traite du cas Ajar, mais sans se révéler. Dans cette période, Gary publie sous son propre nom notamment " Clair de femme" et sous celui de Ajar ses livres sont encore décriés et ceux de Ajar encensés. Cette situation le rend encore plus dépressif, le suicide en 1979 de Jean Seberg son grand amour finit de le faire plonger et le conduit progressivement vers sa propre fin en 1980. le récit de Pavlowitch n'est pas toujours d'une lecture très aisée, mais il est super intéressant. Je regrette simplement que lorsque Paul Pavlowitch évoque la période littéraire des années 50 de Gary, il ne mentionne pas le rôle de son épouse Lesley Blanch qui, peut-être, fut un peu son pygmalion en écriture. Pour moi c'est ce que j'appelle une lecture en cascade : Delphine Horvilleur avec son « Il n'y a pas de Ajar » m'a donné envie de relire ce récit qui dormait dans ma bibliothèque, et du coup je vais lire également « Au delà de cette limite votre ticket n'est plus valable » de Romain Gary qui est plusieurs fois cité.
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Ma spécialité de l'époque, ma vraie vocation, celle que je garderai jusqu'à la fin, était et reste la lecture. Je suis lecteur.
(p. 53)
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Pour les hommes comme Romain, la réalité manque de talent. [...] « C'est affaire de vie ou de mort » comme répétait Romain à tout propos. Cette lutte n'est pas contre la vie. Elle est orientée uniquement contre la réalité, laquelle est une « lecture » parmi bien d'autres de la vie. Cette lecture-là déchiffre la vie comme un risque à éviter et vous conseille instamment de vous incliner tant qu'il est encore temps. Elle vous propose – avec « bon sens » – de collaborer, d'être réaliste... C'est comme cela qu'il y a les « personnes sensées » et les autres.
(p 138)
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Romain était bien mort.
Un peu moins de cent jours auparavant, il s’était tiré une balle dans la gorge.
Depuis, la réalité avait eu quartier libre. Elle avait repris toute la place. Ajar avait disparu aussi subrepticement qu’il s’était faufilé sur la scène littéraire sept ans plus tôt. Ce fut une courte carrière, en forme d’escamotage, une superbe jonglerie qui se termina avec la Dame de Pique comme seule carte sur la table. Notre Cagliostro avait un colt à museau court dans sa manche pour fausser compagnie à cette société qu’il n’arrivait plus à faire danser au son de son « petit violon juif ».
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[Romain] savait que le dédoublement était impossible. En vrai romantique, il persistait dans sa tentative desespérée. Il soupçonnait que ce n'était pas lui qui était le « vrai », mais l'autre son double plus ou moins manqué. Ne pas y arriver le rendait profondément perspicace sur ce qui l'attendait. « Il suffit de crever pour cesser d'être un canular ».
(p. 204)
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[Romain] donnait envie de le prendre aux épaules et de le serrer en répétant que tout va bien, que les choses ont peu d'importance, inlassablement, comme une comptine pour enfant qui ne peut s'endormir. Mais c'était impossible. Il ne demandait rien. Cela aurait été de la dernière obscénité. Il vous faisait comprendre ce qu'est la vraie solitude.
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