-Je ne veux plus jamais voir ça de ma vie. Ils couchent les bébés sur des coussins devant une énorme croix gammée, avec l'hymne allemand à plein volume, et puis ils posent une épée en travers de leurs petits ventres...L'épée est beaucoup plus grande que les bébés! C'était tellement barbare...Tu imagines une lame d'épée sur un nourrisson. Quelle idée monstrueuse!
J'avais compris que le bonheur n'était pas un dû, qu'il ne fallait rien espérer. Les moments de plaisir se dérobaient au passage.
« -Vous vous rappelez notre première rencontre à la boulangerie ?
Je hochai la tête, le sourire s’effacent de mes lèvres à ce souvenir. Il avait trahi sa vraie nature ce jour-là.
- Je n’arriverais pas à vous regarder, continua t-il. Anneke a dit : « Je te présente Cyrla. » et j’ai pensé : Par pitié, faites qu’elle ne soit pas comme ses poèmes. Faites qu’elle soit laide et bête et superficielle. Je vous ai serré la main, mais je ne parvenais pas à vous faire face.
Une brusque panique s’empara de moi et je me levai.
- Je ne pouvais pas vous regarder parce que j’avais peur de tomber amoureux de vous devant Anneke. J’ai promené les yeux un peu partout dans la boulangerie, j’ai regardé n’importe où pour ne pas vous voir.
-Evidemment, approuva-t-il. Ces berceaux sont frappés de la croix gammée. Tu connais le slogan "Faites des enfants pour le Führer"? On pousse les femmes allemandes, qu'elles soient mariées ou non, à donner des enfants au pays. Il faut de bons Allemands pour peupler les territoires envahis. Et puis des soldats. Tu sais ce qui m'effraie le plus? C'est la façon dont ils planifient l'avenir à long terme. Pour les nazis, les nouveau-nés ne sont pas des bébés. Ce sont des ressources matérielles.
Moi je dessine des oiseaux mais toi, tu as des ailes....