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Critique de indira95


En 1888, dans un coin perdu du Finistère, un petit patelin du nom de Pont Aven devint en l'espace de quelques mois the place to be. Artistes et aspirants-artistes en tout genre, du plus esseulé des manants au peintre-bourgeois, Français, Belges comme Américains, se sont bousculés dans les ruelles atypiques de ce bourru (mais non moins charmant) village de pêcheurs bretons. On a vu s'y côtoyer rustres paysans aux mains caleuses, charmantes bigoudènes, enfants joufflus en goguette et peintres venus se repaître de la saine et simple beauté offerte par mère nature. Les auberges et pensions ne désemplissaient jamais, fières d'accueillir ce salmigondis d'artistes farfelus venus quêter l'instant de beauté suprême.

Parmi cette faune si peu locale, il en fut un qui marqua les esprits : électron libre, gouailleur, grande gueule, roublard comme pas deux, ami fidèle tant que son intérêt est préservé, Casanova ripailleur, amant insatiable, artiste inspiré et généreux mû par un instinct sans faille, le seul, l'unique Paul Gauguin. C'est auprès de lui qu'Hugo Boch, fils de bonne famille ayant décidé de quitter le confort d'une vie bien établie, fera ses armes et découvrira sa véritable vocation : il sera photographe, l'oeil aux aguets, témoin immuable de cette clique d'artistes naturalistes menée par la figure charismatique de Gauguin.

C'est au travers d'une correspondance riche et passionnante, truffée d'anecdotes tantôt espiègles et délicieuses, tantôt graves et profondes, entre Hugo Boch, sa cousine Hazel, esprit libre et rebelle derrière ce petit bout de femme peintre, et le meilleur ami d'Hugo, Tobias, artiste tourmenté et génial, qu'Anne Percin nous conte l'effervescence intellectuelle et sociale de ces quelques années marquantes et charnières de la peinture européenne. Querelles stylistiques, camouflets en tout genre, aspiration vers une peinture décomplexée et dédogmatisée, réflexion sur la place et les conditions de vie de l'artiste, autant de thèmes abordés avec talent et qui m'ont réjouie et laissée repue intellectuellement comme émotionnellement. Anne Percin est une conteuse formidable qui m'a embarquée à la fin du XIXe, auprès de Gauguin, Serusier, Van Gogh et les autres, arpentant avec eux le pays de Pont Aven, mon pinceau à la main et mon chevalet jamais loin.

Les singuliers est un roman d'une rare érudition, passionnant et incarné, un vrai bijou de lecture, une plume magistrale qui a su faire revivre une époque formidable et en restituer toute la saveur.
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