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Critique de motspourmots


Au milieu du sérieux de cette rentrée littéraire de septembre 2014, ce roman est un agréable bol d'air, voyage au pays des artistes à la fin du XIX ème siècle, à la croisée des chemins entre académisme, impressionnisme, naturalisme et courant des nabis, de Pont Aven à Bruxelles en passant par Paris. A travers la correspondance de trois amis, trois jeunes artistes en quête de leur "singularité", c'est toute une époque qui renaît et avec elle, un Paris en pleine transformation, les querelles des milieux artistiques ou encore la petite communauté des peintres de Pont Aven, bien décidés à imposer leur vision de la peinture en plein air.

En 1888, Gauguin rêve de tropiques et s'impatiente de voir enfin sa cote s'envoler et ses toiles se vendre ; Vincent van Gogh est dans le sud de la France, déjà bien affaibli par les crises qui l'ont conduit à l'hôpital ; la Tour Eiffel est en construction, Montmartre n'est qu'une vaste friche aux logis insalubres, celui qu'on appellera plus tard "Jack l'éventreur" sévit dans les rues de Londres... Hugo Boch, un jeune belge issu d'une grande famille de fabricants de faïence préfère rejoindre Pont Aven plutôt que de poursuivre son cursus aux Beaux Arts. Il se cherche, doute de son talent, tente de trouver sa voie. Il prend ainsi de la distance avec ses parents et la pression qu'ils exercent sur lui afin de le voir rejoindre l'entreprise familiale. Hugo fait part de ses doutes et de ses nouvelles expérimentations - la photographie, elle aussi en pleine mutation grâce à l'invention de la pellicule - à travers une correspondance riche et fournie, entretenue avec Hazel, sa cousine, apprenti peintre elle-aussi à Paris et avec Tobias Hendrike, son ami d'enfance, un artiste tourmenté et handicapé par de terribles crises de migraines.
Au fil de leurs échanges, c'est toute la difficulté de s'affirmer en tant qu'homme, en tant que femme (la figure de Hazel est à ce titre extrêmement émouvante, petite bonne femme bien décidée à suivre sa voie dans un univers encore masculin et misogyne), en tant qu'artiste mais également en tant que fils qui transparaît. L'auteur dessine des portraits attachants de personnages que l'on a envie de voir réussir. Des personnages fictifs qui se fondent dans l'univers artistique de l'époque pour mieux le faire découvrir au lecteur. Précarité, humiliation de la critique... Il n'est pas facile de vouloir affirmer son univers face au conservatisme des Académies officielles, que ce soit en Belgique ou en France. Aux côtés d'Hazel, d'Hugo et de Tobias, on croise Toulouse-Lautrec, Emile Bernard ou Odilon Redon, on les accompagne aux obsèques de van Gogh à Auvers sur Oise, Van Gogh dont une seule toile fut vendue de son vivant, achetée par Anna Boch, cousine d'Hugo. Et l'on suit avec intérêt et empathie le chemin de chacun vers sa vérité.

Anne Percin mêle avec talent personnages réels et inventés pour faire de ce roman épistolaire un bel hommage aux artistes et à leur courage face aux obstacles qu'ils doivent surmonter. Elle rend ainsi leur oeuvre plus vivante. Ce roman dont on parle peu parmi les centaines de parutions de ce mois mérite de trouver un vrai public. "Les singuliers" a droit à un succès pluriel.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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