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Critique de raton-liseur


Eblouissant ! Je n'ai pas d'autre mot pour qualifier ce roman dont je viens de tourner la dernière page, j'ai été éblouie, et je n'ai fait qu'apprécier de plus en plus ma lecture au fil des chapitres.
Pourtant, ce n'était pas gagné. J'ai lu ce livre en espagnol, je l'avais acheté avant de passer quelques jours à la plage, lecture facile et faussement intello m'étais-je dis. Effectivement, le livre a fait le déplacement avec moi à Hollbox, mais il en est revenu avant d'avoir été ouvert, c'était il y a trois ans. Soucieuse de ne pas le laisser prendre la poussière, je ne sais quelle intuition subite m'a fait le commencer au début du mois de juillet, encore loin des idées de plage. On est presque trois semaines plus tard, j'ai enfin fini les quelques 16 chapitres de ce livre, en me disant plusieurs fois que mon niveau d'espagnol (ben oui, je l'ai lu en espagnol, une lecture facile et faussement intello pensais-je, n'est-ce pas…) n'était pas à la hauteur, que je passais à côté de tout un pan du roman… Mais malgré cela, j'ai aimé cette lecture qui m'a demandé un tel niveau de concentration, et qui m'a surprise plus d'une fois.
Je ne m'attarderai pas sur le côté érudit de ce livre, sur tout ce que l'on apprend sur les livres anciens et sur les romans-feuilletons du XIXème. C'est intéressant ou amusant selon les moments, mais cela n'est que la surface de ce livre. Il recèle bien d'autres trésors bien plus beaux et plus précieux.

Il y a d'abord l'incroyable plume de Pérez-Reverte. Il est journaliste de formation, et il en garde un sens aigu de la formule et une capacité à décrire les personnages et les décors en quelques phrases qui font mouche et qui, au-delà de la description font passer une sensation, un sentiment, c'en est presque physique. Et cette plume que l'on sent facile et légère mais dont on peut presque palper le lent travail de polissage des phrases est capable de faire passer toutes les digressions inutiles à l'intrigue principale comme des scènes pleines de vie et palpitantes que le lecteur dévore sans même s'en rendre compte.
Il y a aussi l'immense tendresse de Pérez-Reverte pour ses personnages. Corso, le héros, bien sûr. Mais aussi cette fragile Irène Adler (sic), et même La Ponte. Même les méchants sont traités par Pérez-Reverte avec un immense respect et une vraie affection. En parlant d'attachant, je dois confesser que j'ai aimé chez Pérez-Reverte cette capacité à me faire accepter, et même à apprécier, des éléments qui souvent m'insupportent dans les autres livres, surtout les livres à suspens. Quel besoin que le personnage soit seul et abîmé par la vie, quel besoin de nous entretenir de ses amours passées et fracassées, quel besoin de nous coller une histoire d'amour et peut-être même de rédemption dans les pattes ?... Pérez-Reverte fait tout cela, et même plus, et ce qui me donne des allergies habituellement me fait ici aimer le personnage, je m'attache à lui et je pense avec affection à cette Nikon qu'il a laissée partir ou avec une tendresse pleine de commisération à ces batailles napoléoniennes qu'il se joue et se rejoue chaque soir. Non, je ne suis pas tombée amoureuse de Corso, mais j'ai aimé côtoyer ce personnage dans sa solitude et son intimité pendant les presque 500 pages de ce livre.

Et bien sûr, que dire de cette réflexion sur la relation entre le livre et le lecteur. Ce roman est un habile jeu de miroir avec des mises en abyme continuelles et toujours renouvelées. La plus évidente, celle de Corso qui se considère comme un personnage réel et qui se demande quel serait l'auteur qui pourrait inventer une telle histoire s'il était un personnage de fiction.
Mais au fur et à mesure que l'intrigue se précise, c'est toute la relation entre le livre, l'auteur et le lecteur qui se mire dans l'histoire. Il est question de ce que le lecteur projette dans le livre, la façon dont il interprète les intentions de l'auteur et dont il anticipe l'histoire. Dans un livre, il n'y a pas de coïncidence, rien n'est fortuit, à la différence de la réalité. Corso devient alors la métaphore du lecteur, celui qui interprète tout, qui cherche derrière chaque phrase, chaque élément, l'intention de l'auteur. Et Pérez-Reverte joue habillement de cela, sachant ce que le lecteur devinera, ou croira deviner, de ses intentions et s'amusant à le berner gentiment, le renvoyant à ses contradictions et à celle de la littérature. Et c'est pour cela que la fin m'a semblée on ne peut plus cohérente. et je sais que je suis donc une lectrice, de celles qui se font happer par une histoire et qui ne peuvent en ressortir avant que l'auteur ne l'ait décidé.
Corso est merveilleux dans sa quête qui se révèle aussi illusoire que celle du Graal, et Pérez-Reverte est décidemment un immense auteur. Je l'avais aimé dans le Cimetière des bateaux sans nom, adoré dans le Peintre des batailles, j'avais été moins enthousiasmée par les trop acclamées aventures du Capitaine Alatriste (dont je n'ai lu que le premier tome), je sais maintenant que c'est un écrivain hors pair, dont je risque à partir de maintenant d'acheter les livres sans même en livre le résumé, sûre d'être emportée par sa plume, sûre d'un merveilleux moment de lecture.
Eblouie, non il n'y a pas d'autre mot.
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