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Critique de Gehenne


En deux temps trois mouvements Jacques Perret précise son objectif, très loin de l'hagiographie ou du plaidoyer pro domo . D'abord, explique-t-il, son livre est la chronique "d'un maquis courtois" (au sens chevaleresque du terme) dans lequel "soufflait un esprit de mansuétude et d'inintelligence politique, assez subversif". Et par ailleurs, selon le résistant désabusé, on y trouvait "un mélange traditionnel d'idéal et de rapine, sans oublier les délicats plaisirs du hors-la-loi avec les merveilleuses latitudes du bandit d'honneur". Mais l'essentiel, c'est évidemment la camaraderie de garçons lancés dans une aventure qui les dépasse et parfois les sublime. Ce livre précieux, cet hymne à la liberté, c'est avant tout les copains d'abord.
Voilà qui est clair : n'y cherchez nulle odyssée héroïque, nulle mise en exergue de comportements inouïs. Non, l'aventure maquisarde à la mode Perret se veut modeste, oeuvre de "sacripants", de "prétoriens suspects" répondant à "l'appel de la rébellion que tout homme normal entend au moins une fois dans sa vie". Ce groupe disparate, suivi dans son quotidien, est formé d'hommes ordinaires engagés dans un combat hors normes qu'ils mènent en toute simplicité sans en attendre ni reconnaissance, ni fierté. Tout juste cette aventure parviendra-t-elle (peut-être) à les révéler à eux-mêmes. Et on l'aime cette bande de bras cassés qui évolue en dehors des chemins balisés.
Voilà pour l'histoire. Mais comment pourrait-on occulter cette plus-value littéraire qu'est le style fluide, ciselé par Jacques Perret qui façonne la langue comme un ébéniste travaille le bois, la chantournant, l'égayant par la magie d'un vocabulaire choisi avec minutie et utilisé avec grâce, la pimentant d'un humour espiègle. Pour le plaisir, ce passage magnifique décrivant un parachutage d'armes : "l'apparition féerique des armes tombant du ciel dans une fantastique éclosion de trois cent vingt sept soyeuses méduses balancées dans la brise. Il pleut des hallebardes sous un nuage de nylon."
On ne peut s'empêcher de rapprocher le Perret de "Bande à part" du Gary des "Cerfs-volants", lui aussi un bel enchanteur de la langue et un beau rêveur, sans illusions, par temps de guerre. Et il y a aussi d'évidence une parenté avec Blondin. D'ailleurs, l'auteur de "L'Europe buissonnière" ne cachait pas son admiration pour "Bande à part", qu'il qualifiait de "recueil exquis d'aventures quotidiennes, modestes, domestiques, vécues par un groupe de plein vent." On ne saurait mieux dire...

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