Citations sur D'ocre et de cendres : Femmes en Algérie 1950-1952 (5)
Leïla est repartie légère, presque immatérielle.
Elle est vite allée se cacher du jour, avant que ne paraisse l'aube. Et elle se recouche sagement dans son lit de sable et de pierres, sous les lauriers roses au bord de l'oued.
Là où ses frères l'ont enterrée en secret il y a dix ans.
Tuée à coups de caillasses, lapidée une nuit magique d'été - une nuit de solstice - pour une question d'honneur.
Maman ne sait pas que sa sœur et son beau-frère sont morts, elle ne sait pas que son bien aimé Rodolphe Delbois est mort. Elle parle même, maintenant, de sa propre maman et de son papa comme s’ils étaient encore vivants.
Maman ne sait pas que sa sœur et son beau-frère sont morts, elle ne sait pas que son bien aimé Rodolphe Delbois est mort. Elle parle même, maintenant, de sa propre maman et de son papa comme s’ils étaient encore vivants.
Mais elle ne sait pas non plus que monsieur Kouider vient de mourir, qu’on l’a retrouvé hier matin égorgé en ville, baignant dans son sang. Il était allé livrer je ne sais pas quoi et il a été tué en représailles de je ne sais pas quoi non plus. Les fils de monsieur Kouider l’ont très vite enterré. Et ils m’ont regardé durement, avec des visages fermés, quand je suis allée leur dire ma peine – monsieur Kouider était un si brave homme, si généreux et si croyant. Cette guerre n’était pas sa guerre, monsieur Kouider vivait au jour le jour, à la grâce de Dieu. Monsieur Kouider a été égorgé par un imbécile, mais ses fils le vengeront, c’est sûr et ça fera encore couler un peu plus de sang.
Maman ne saura pas que monsieur Kouider vient de mourir. Maman continuera à applaudir comme à une fête aux coups de feu et aux explosions qui secouent la ville.
Je les vois du coin de l’œil. Ils pensent sans doute se cacher, mais, si je ne bouge pas la tête, je vois leurs silhouettes à mes côtés. Je les sens aussi derrière moi, leurs ombres s’approchent de mes épaules, presque à me toucher. Si je tourne la tête, bien sûr, il n’y a personne. Ce sont les promeneurs de l’indécis, du brumeux, de l’improbable.
Qui sont-ils ? Bien évidemment, ce sont des morts, je ne me suis même jamais posé la question, tant c’est une certitude. Que me veulent-ils ? On dirait que rien...
"Quand tu fais du bien, Aïcha, ne t'attends pas à ce que celui que tu as aidé te récompense, il ne le fera presque jamais. Mais ta récompense te viendra de Dieu et un jour, quand tu ne t'y attendras pas, c'est quelqu'un d'autre qui te rendra ton bienfait".