Ma vie a commencé sous le signe du feu. Mon entrée dans l'existence s'est faite sur la grande échelle des pompiers. C'était par une belle nuit de septembre 1923. Paquet vagissant, emmailloté dans des chiffons mouillés, je suis passé de barreau en barreau entre les mains des hommes du "quartier bas", cependant que la population du "quartier haut", à l'abri des hauts murs du vieux rempart, craignait que les flammes qui dévoraient la boulangerie Charrazac ne gagnent l'ensemble du village de Vayrac.
C'est du moins ainsi que, soixante-quinze ans plus tard, je revis cet événement à partir des récits que m'en firent mon père, Célestin Charrazac, et sa femme Amélie, ma mère. J'ai donc été confié à Albertine, une voisine secourable, le temps que mes parents, avec l'aide de la famille de mon père, rebâtissent boutique et maison.
une économie de subsistance se mettait en place, signe des périodes de crise économique profonde. Comme le meunier, nous étions victimes d'un temps où chacun se méfiait de tous.
Le moment venu de mon premier enfournement, d'un geste plein d'assurance feinte, je saisis la poignée brillante de la porte du fonte du four.
Un long mois, j'ai vécu comme un étranger dans ma propre maison, caché dans le grenier de la boulangerie. Seuls les rais de lumière m'indiquaient si c'était le jour ou la nuit. La vie nocturne du fournil me servait aussi de repère
Il était temps de recueillir les mille enseignements qu'il avait à me transmettre. J'avais déjà acquis la partie technique du métier. Il lui restait à m'aider à devenir un patron boulanger.