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Critique de Lectophile


Réfractaire qu'il est aux impostures comme il les appelle des écritures plates et selon lui convenues qui se pratiquent aujourd'hui couramment, Pierre Perrin livre avec cet ouvrage une suite de textes qui paraîtra au lecteur averti moins contemporaine que très filialement, quoique librement, rattachée à cette longue histoire de la poésie qui liant l'intelligence au sentiment, comme le sens des valeurs à la finesse de la sensibilité, ne répugne pas au discours, à la formule et sait ne pas séparer le poète, au besoin, du moraliste, n'hésitant pas à condamner ce qu'il pense être les errements comme les petitesses de ses tristes semblables.
Intempestive alors pourra sembler cette poésie qui affecte de conserver ses majuscules en début de vers, d'opposer aux facilités des vers courts, elliptiques, sa théorie de vers pleins qui confinant parfois au verset, restent strictement ponctués, rassemblés le plus souvent de façon décidée en strophes, pour renvoyer à travers leur matériel d'images presque essentiellement empruntées au monde paysan, à une enfance auquel l'auteur semble n'avoir jamais pu, su, ou voulu, tourner vraiment le dos.
C'est que ce monde de l'enfance dont l'évocation directe dans la première partie constitue à mes yeux la réussite majeure du recueil aura eu tout pour marquer fortement et définitivement l'auteur. Je ne m'attarderai pas [1] sur ces évocations sensibles, hautes comme on dit en couleurs de « la ferme séculaire » où la vie se partage, cruellement parfois, intimement toujours, avec les animaux, où « la honte/Ruisselle » « pour peu qu'un inconnu frappe à la porte » … Je n'insisterai pas davantage sur cette figure de Mère, prégnante dans le livre, à laquelle l'auteur aura consacré il y a une vingtaine d'années un récit au Cherche Midi éditeur et vers qui se tournera la dernière ou presque dernière bonne pensée du livre. Je serai discret sur ces tentations de suicide, cette rémanence du motif de la corde, de l'image du pendu qui ne manquera pas de frapper le lecteur dans cette forte section. Se trouve à coup sûr là sinon les clés d'un caractère, du moins les fondements sensibles et inquiets d'une personnalité marquée jusqu'au bout par une forte impression de solitude. Un sentiment chiffonné aussi de frustration qui le conduit à vilipender parfois un peu hâtivement ses semblables, son époque.
À ceux qui le liront, Pierre Perrin fera l'effet sans doute d'un homme rêche certes mais habité. Qu'anime à n'en pas douter un intense désir d'ouverture. Qui s'il le pousse à célébrer tout particulièrement l'averse sensuelle et charnelle de l'amour, des amours, ne lui en fait éprouver que davantage l'amertume de ces pertes, de ces manques, de toutes ces grandes ou petites défaites par quoi l'existence impitoyablement nous rappelle le caractère borné, ridicule encore, de notre condition. le poème alors est là tant pour en rendre compte et fournir témoignage que s'affirmer revanche. Apaisante satisfaction peut-être, même si « aucune consolation n'existe », d'avoir ainsi su trouver la force, comme l'écrivait Baudelaire, de s'être prouvé à soi-même qu'on n'était pas inférieur à ceux que l'on méprise [2].

Georges Guillain sur son blog Les Découvreurs, jeudi 10 novembre 2022
Lien : http://perrin.chassagne.free..
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