"Je frissonne, des petites étoiles noires plein le cœur, l’esprit au pays des cauchemars, allongée nue aux côtés de Stéphane, qui s’est endormi de dépit."
"Je trouve encore la force de m’horrifier : je ne vais être qu’un moment fort de plus dans le flot bouillonnant d’images quotidiennes, au sein de ce tsunami visuel permanent. Qu’un bon concept éclair de télévision-émotion."
"Même une boulimique aurait du mal à tout engloutir. — Tu es satisfaite de la quantité, chérie ? C’est plus copieux qu’au cimetière ? Sale monstre ! Mes mâchoires sont si serrées que je n’arrive pas à ouvrir la bouche pour l’insulter."
"Je suis sur le point de hurler de douleur et de rage quand l’image de Stéphane me traverse de nouveau l’esprit."
"Dans un accès de spleen, je pense à ce que serait ma vie à cet instant si je n’avais pas fui Stéphane. Peut-être serais-je de nouveau allongée à ses côtés dans le lit du petit chalet à disputer des quiz cinéma, entre deux ébats passionnés."
"Silence de mort. Pénombre nocturne. Des lueurs mouvantes provenant du téléviseur allumé dansent dans la pièce. Le poste est toujours branché sur les infos de TVT, mais le son est coupé. Je peux lire au bas de l’écran qu’il est 21 heures 12."
"J’avise le long couloir obscur. Il dessert encore plusieurs chambres. Malgré mon impatience à envoyer au plus vite un message d’espoir à ma famille, je décide d’ouvrir encore quelques portes."
"Mon pouls a chuté comme par enchantement lorsque j’ai consulté les photos de l’endroit : dépaysement garanti. J’ai eu du mal à croire que de tels panoramas sauvages existaient dans mon propre pays, à seulement quelques centaines de kilomètres de mon lieu de vie. Une destination au Mexique ne m’aurait pas semblé plus exotique. J’ai même eu le réflexe de vérifier la date de validité de mon passeport. Légitime : des mois que je ne m’étais pas aventurée au-delà de la région Ile-de-France."
Ce qui me chagrine davantage, c’est le sentiment d’agacement que je perçois sur son visage. Comme s’il m’en voulait d’avoir fait passer au second plan l’affliction légitime de son grand pote. Comme s’il regrettait brusquement notre merveilleux après-midi.
Parano, culpabilité.
Je réalise avec horreur que ce n’est pas la première qu’il me viole, et que c’est à cause de lui que j’ai si mal à la poitrine et au fond du ventre ; il devait être en train de me prendre quand j’ai fait ce délicieux rêve aphrodisiaque, dans lequel Stéphane investissait mon esprit, et uniquement mon esprit. Sans doute une défense naturelle de mon psychisme, pour m’éviter de perdre définitivement la raison.