Puis, malgré elle, les pensées de Wabougouni se dirigèrent vers les lendemains sans lui, quand son lit serait un désert, plein de son absence, de son silence, vide de ses mains, de sa bouche, de son sexe, de la plénitude de son corps.
Il eut l’horrible impression de fuir, de perdre quelque chose qu’il ne retrouverait jamais. Le sentiment d’être pleinement vivant.
Couché sous les étoiles, j'entends
Une cascade qui coule du firmament
C'est la respiration des feuilles
Si je me couche sous toi
Oh lac, sous tes eaux
Ancré au fond de ton lit
Entendrais-je le halètement des feuillages ?
Ton souffle est-il d'eau ou d'étoiles ?
Tu la regardes droit dans les yeux... Tu la lis lentement, avec intérêt, car elle est unique... Ensuite, tu la respires.
Il s'imprégna de son image, sentit une eau invisible couler en lui, par une faille tectonique d'où s'échappait une douleur si imprévue qu'il cessa de respirer quelques secondes. Il devait partir maintenant. Une urgence. Il leva le bras haut dans les airs, la salua. Il enclencha le moteur, mit plein gaz et fonça sur le lac en direction de la rivière. Il eut l'horrible impression de fuir, de perdre quelque chose qu'il ne retrouverait jamais. Le sentiment d'être pleinement vivant.
Les légendes naissent ainsi, dans le giron des histoires inventées pour raconter ce qui ne devrait pas exister. Des gestes dont même l'origine devrait être effacée.
Un soupir, un dernier, sur ma défaite
Peu de temps m'aura été donné
Celui de dire, celui de trouver les routes
Qui mènent à soi, à l'autre là-bas
Que je ne connaîtrai pas...
Je ne suis qu'un souffle qui s'éteint
Des mots pour s'accrocher, pour accorder le hurlement du vent à sa vie, à l'espoir.
Je suis un homme aux mouvements liquides
Une rivière qui se couche en cherchant un nouveau lit, chaque nuit
Je cours vers le fleuve, là-haut, loin vers le nord
Derrière la ligne de partage des eaux...
Les amours comme des bois morts
me griffent le dos
Je dois poursuivre ma vie d'eau, car même si tu me bois
Que tu m'as bu
Je m'échapperai encore et encore...
Tu auras été mon phalène, mon papillon de feu
Brillant au milieu de mes crépuscules
Envoûtant de mystère et de liberté du geste
Toi la beauté, toi la fille de la forêt
À la toison rouge, à la peau couleur de terre
Porteuse à jamais de mon éblouissement
Enfoui en ton ventre doux et affamé de joie...