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Critique de Pasoa


Pasoa
26 novembre 2022
Oeuvre de toute une vie, Livro do Desassossego (Le Livre de l'Intranquillité) de Fernando Pessoa apparaît comme un livre unique, indépassable. Pourtant, l'écrivain aux multiples hétéronymes qui aura laissé à sa mort une malle de près de 27000 manuscrits prêts à être publiés, a été aussi l'auteur d'une oeuvre poétique majeure.

Comme une constante dans son écriture, Pessoa livre une inquiétude et un désarroi profonds d'un être (s'agit-il bien de lui ?) confronté à sa propre conscience. Déjà très perceptible dans le recueil des "Poèmes païens" que j'ai lus précédemment, cette saudade, cette mélancolie est aussi très présente dans "Cancioneiro" (poèmes publiés sous la véritable identité et du vivant du poète entre 1911 et 1935).

L'écriture se trouve au creux de nombreuses tensions que porte en lui l'écrivain. Dans son style si particulier, Pessoa semble pousser à l'extrême ce rapport intime à l'évanescence, à la dissolution de l'être.
Dans sa poésie, tout est comme livré au trouble de l'émotion. Pour lui, la sensation est l'origine de tout notre rapport au monde, de toute création. La poésie est une incessante tentative de faire passer cette sensation primordiale, de faire du poème un objet de transmission, d'en faire un objet charnel, corporel, presque spirituel.

" Je ne suis rien
Jamais je ne serai rien.
Je ne puis vouloir être rien.
Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde. "*

Ces quelques vers révèlent toute cette conscience de l'être livrée à elle-même, à son ambivalence. Une conscience qui malgré cela, reste ouverte à tous les possibles, à l'étendue du rêve, à cet au-delà de la conscience qui n'est que sensation pure.
La mélancolie, la saudade, reviennent sans cesse dans les textes de Pessoa, comme un état qu'il veut dire et réaffirmer, comme un rêve troublant dont il ne veut pas perdre le souvenir. Une pensée qui sans cesse se cherche et se perd dans l'éphémère.

" À la fin de la pluie et du vent
Au ciel revenu est revenue
La lune, avec sa douleur cendrée
Qui de nouveau, blanche, s'est bleuie.

À travers l'immensité stellaire
De l'éther profond et replié,
Mes pensées jaillissent et s'en vont
Recherchant à ressentir le monde.

Mais comme une vague elles se perdent
Dans l'universelle marée
Et la pensée ne parvient pas
À sonder ce que penser vaut.

Qu'importe ? Tant de gens ont pensé
Tout comme je pense et penserai. "

Cette sombre douceur se fait insistante et touche au coeur. Nous le sentons en lisant la poésie de Pessoa, quelque chose qui nous a été donné est parti et ne reviendra plus. Un sentiment étrange s'insinue en nous, se déploie. Il s'agit peut-être d'une rencontre avec une partie de nous-mêmes.


(*) extrait de « Bureau de tabac » in Oeuvres poétiques d'Alvaro de Campos. Éditions Christian Bourgois, 1988.
(**) poème sans titre, écrit entre 1928 et juillet 1930.
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