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Critique de BazaR


Sur l'étagère « biographies des rois de France » j'attaque enfin ceux écrits par Jean-Christian Petitfils. J'avais hâte, cet homme étant suffisamment présent en tant qu'expert dans les émissions genre « Secret d'Histoire », de me confronter à ses écrits.
Eh bien je ne suis pas déçu de ce premier voyage.

L'auteur prend plaisir à redresser l'image assez peu ragoutante par laquelle Louis XIII est médiatisé sans pour autant transformer l'homme en idéal. Disons qu'il met plus en avant ce qu'il y avait de positif, ce qui est occulté ou ignoré dans les romans.
Cela fonctionne incontestablement. L'image d'un roi effacé derrière Richelieu, ne s'intéressant qu'à la chasse, disparaît. On a plutôt affaire à un couple acharné à guider l'État français dans la même direction : l'absolutisme (même si le terme n'existait pas encore), c'est-à-dire concentrer autour du roi la totalité des pouvoirs jusqu'ici éparpillés aux quatre vents de la féodalité. Et Louis XIII est extrêmement actif au sein de ce couple, souvent plus vindicatif que son ministre – il ne supporte pas qu'on remette en cause son autorité, c'est lui qui décidera de la mort de Chalais ou de Louis de Marillac, alors que Richelieu les aurait épargnés –, il est prompt à partir sur le front des batailles, à parcourir les tranchées des sièges, à réorganiser l'intendance et s'inquiéter de ses soldats ; mais c'est aussi un artiste, aimant pratiquer la musique et le dessin.

C'est la première fois que je sens vraiment le changement politique opérer en France. Durant la régence de sa mère Marie de Médicis, voire jusqu'à Richelieu, on sent la force des princes et des Grands qui passent leur temps à se rebeller, à réclamer le retour de leurs privilèges et de leur autonomie. On sent la cupidité et la morgue des principaux ministres – Concini, Luynes ou Marillac. On sent cette féodalité toujours vivace, prompte à profiter de la moindre faiblesse du pouvoir royal pour reprendre du poil de la bête. Mais cela change. La centralisation du pouvoir opère, souvent de force. Les bisbilles nationales doivent finir, la France doit agir d'un seul bloc face aux autres puissances : l'Espagne surtout, l'Empire des Habsbourg ensuite, l'Angleterre enfin. le jeu géopolitique grimpe d'un niveau.

Jean-Christian Petitfils écrit visiblement des pavés, mais il n'est pas ennuyeux. Bon, il lui arrive par moments de saturer ma tolérance à l'abus de détails – ça ne m'intéresse pas vraiment de savoir que tel jour le jeune roi a fait pipi-caca – mais la plupart du temps il écrit avec style, avec styles même. L'arrivée de Marie de Médicis à Marseille est lyrique ; l'assassinat de Concini est une vraie histoire à suspense et la « journée des dupes » est racontée comme une tragi-comédie en trois actes.
C'est en fait toute cette portion du 17ème siècle européen qui est décrite avec moult détails : l'auteur n'omet rien de la guerre de trente ans. Il consacre un chapitre entier aux arts, à la tragédie, à la science – Corneille et Pascal ont leur place ici – mais aussi l'évolution d'un pan du catholicisme vers le mouvement des dévots. Les tensions religieuses avec les protestants existent encore, mais l'auteur met l'accent sur le fait que les guerres qui ont opposé le roi aux protestants ne l'étaient point pour des raisons de religion, mais simplement pour des raisons de rébellion contre l'État. Jamais Louis XIII ne remettra en question la liberté de conscience.

Une autre force de ce livre est l'incarnation des personnages que l'auteur parvient à réaliser à travers ses mots. Louis XIII et Richelieu ont bien sûr droit à des analyse psychologiques profondes, mais on entre aussi dans la tête d'autres personnages importants quand cela s'avère nécessaire : Concini, Luynes, le Duc de Nottingham, Montmorency pendant sa rébellion, Cinq-Mars ou Anne d'Autriche voient leurs motivations prendre vie. Un personnage en particulier m'a impressionné : Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse. Ses complots, ses intrigues, sa beauté, sa volonté permanente de mettre des bâtons dans les roues du roi et de son ministre, en font un personnage de roman bien plus que milady de Winter.

Quand on s'immerge aussi profondément dans une vie, il me paraît difficile de rester neutre, de ne pas finir par éprouver de la sympathie pour les motivations de ce personnage (ce qui explique l'idée de « réhabilitation »). J'ai parfois eu l'impression que Jean-Christian Petitfils prenait ainsi fait et cause pour la volonté de concentration des pouvoirs de Louis XIII et Richelieu, qu'il s'agissait pour lui du sens progrès que les rébellions féodales et anachroniques des Grands n'avaient fait que retarder.
Mais je n'en suis pas certain en fin de compte. Si cela était, il n'aurait pas pris autant de soin pour décrire la misère et l'écrasement par l'impôt des masses populaires qu'implique la marche forcée vers l'absolutisme et la guerre contre l'Espagne et l'Empire.

Avant de me lancer dans le Louis XIV de Petitfils que j'espère aussi bon, je ferai une halte sur la régence d'Anne d'Autriche à travers une biographie de Mazarin. Nul doute que Jean-Christian Petitfils la décrit avec précision pendant les premières années du roi-Soleil, mais deux avis valent mieux qu'un.
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